Monaco s’implique de plus en plus dans la lutte contre le changement climatique.
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© Fairmont Monte Carlo
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Le rocher de Monaco se met au vert

La Principauté est surtout connue pour sa famille princière, son Grand Prix de F1 et ses yachts immenses. Depuis quelques années, pourtant, Monaco la fastueuse émerge comme un État moteur en matière de responsabilité environnementale.

C’est un endroit assez inattendu pour faire pousser un jardin potager. Il est encerclé par une forêt de grands immeubles sans âme, qui s’étirent en rangs serrés dans le pays le plus densément peuplé du monde.

Et pourtant c’est bien ici, sur un terrain de 450  m², qu’on retrouve Jessica Sbaraglia, en train de bêcher.

Des micro-fermes comme celle-ci, Jessica Sbaraglia en a ouvert cinq, depuis qu’elle s’est lancée dans l’agriculture urbaine en 2016, avec son entreprise Terre de Monaco. Il y a maintenant des potagers sur les toits de Monaco, les grands balcons et quelques parcelles de terrain cachées, telles que celle que nous visitons.

Originaire de Suisse, l’ancienne joueuse professionnelle de tennis et mannequin de 31  ans confie avoir eu une existence fastueuse, avant de décider de changer complètement de vie. « À l’époque, ma vie, c’était comme une boîte de chocolats. C’est sympathique pendant cinq minutes, mais ça ne dure pas éternellement. »

Un retour au réel et aux choses simples, qu’elle veut faire partager. « J’ai envie de redonner aux gens le goût des produits naturels, biologiques, de leur rappeler leur diversité et comment ils poussent », explique-t-elle. La diversité, c’est aussi celle des odeurs qui assaillent les narines sur ce carré potager : Jessica y fait pousser des aubergines, des courgettes, des fraises, des abricots mais aussi de nombreuses herbes aromatiques, telles que de la sauge ananas ou de la mertensie maritime.

Jessica Sbaraglia, fondatrice de l’entreprise en agriculture urbaine Terre de Monaco.
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© R. Harrison Plesse
Jessica Sbaraglia, fondatrice de l’entreprise en agriculture urbaine Terre de Monaco.
La responsabilité environnementale est « dans l’ADN de Monaco », d’après Estelle Antognelli, en charge du tourisme responsable au sein de la Direction du Tourisme et des Congrès.
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© R. Harrison Plesse
La responsabilité environnementale est « dans l’ADN de Monaco », d’après Estelle Antognelli, en charge du tourisme responsable au sein de la Direction du Tourisme et des Congrès.

Désormais, Terre de Monaco fait figure d’exemple sur le Rocher. Au départ pourtant, Jessica a été confrontée à quelques résistances. « Au début, tout le monde se moquait de moi et était certain que j’échouerais. Monaco, c’est surtout du béton. Je ne pensais pas pouvoir trouver de surfaces pour mes potagers. J’ai dû convaincre pas mal de gens de me suivre. » Et maintenant ?

« Tout le monde semble jouer le jeu et est davantage investi. Mais je pense qu’il y a encore une marge de croissance importante. Il reste beaucoup de toits à végétaliser et donc autant de possibilités de se développer. »

Jessica Sbaraglia fait partie de ces gens, de plus en plus nombreux, qui veulent faire de Monaco un pays plus durable. Bien que la Principauté soit surtout connue pour son faste et ses excès, elle émerge pourtant comme un État moteur en matière de responsabilité environnementale. Monaco s’est engagée à réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, et à totalement les supprimer d’ici à 2050.

On relève d’ailleurs que l’ensemble du réseau de transports en commun de la Principauté est soit électrique, hybride ou bien fonctionne avec des biocarburants. On peut même y prendre un bateau-bus alimenté à l’énergie solaire, qui traverse le port Hercule toutes les vingt minutes. Un moyen de permettre aux millions de touristes qui viennent y passer la journée, par la route ou lors d’une escale en croisière, de se déplacer sur le Rocher sans émettre le moindre gramme de dioxyde de carbone.

Mais le Prince et sa fondation ne sont pas les seuls à agir. Sur les étals du très pittoresque marché de la Condamine, tout comme dans les rues pavées qui descendent vers le port, difficile de ne pas remarquer le nombre de commerçants proposant des aliments locaux, biologiques, certains restaurants mettant même en avant des menus végétariens.

Mais en la matière, c’est le restaurant Elsa qui décroche la palme, puisqu’il s’agit du seul établissement au monde étoilé au Guide Michelin dont l’ensemble de la carte est composé de produits issus de l’agriculture biologique.

Dans ce paradis pour jet-setters, les palaces et autres grands hôtels prennent aussi leur part et n’hésitent pas à le faire savoir, en placardant sur leurs frontons des certificats attestant de leur engagement pour le développement durable.

C’est par exemple le cas du Fairmont Monte Carlo, dont l’ensemble du système de chauffage et d’air conditionné est alimenté par les flots de la Méditerranée, grâce à un système de pompes hydrauliques installé dans les sous-sols.

Rien de très étonnant, d’après sa directrice de la communication Claudia Batthyany, qui rappelle que l’hôtel a toujours été pionnier en la matière. Il y a quelques mois a été inauguré un système innovant de recyclage des eaux usées et, en 2008, le Fairmont fut le premier à Monaco à participer au mouvement Earth Hour (qui consiste à couper l’électricité, partout dans le monde, pendant une heure).

À un jet de pierre, l’Hôtel Métropole vit depuis 2007 au rythme de la Green Attitude. C’est Élodie Robert, la directrice du développement durable, qui a lancé le mouvement. D’abord avec des initiatives modestes, comme installer des ruches sur les toits et privilégier les fournisseurs locaux. Il est également le premier à avoir, en juin 2018, arrêté d’utiliser des pailles en plastique.

Elles sont désormais interdites dans l’ensemble de la Principauté depuis janvier 2019. C’est également le cas des assiettes, des verres et des couverts en plastique à compter de janvier 2020.

Par ailleurs, l’hôtel s’est aussi lancé dans la reforestation, à travers son initiative Mon Arbre à Moi, qui s’est traduite par la plantation  de centaines d’oliviers sur un flanc de colline faisant face à la ville française de Menton. Chaque année, à l’occasion de la Journée internationale des arbres (le 21 mars), une congrégation de participants se rend sur place pour s’enquérir de l’état de ces oliviers.

Avec sa façade Belle Époque, ses 125  chambres décorées par Jacques Garcia, un spa Givenchy et une piscine imaginée par le défunt gourou de la mode Karl Lagerfeld, le Métropole est le parfait exemple du luxe qui sait rester discret. Ici, les produits qui apparaissent au menu sont tous issus d’un jardin Terre de Monaco dédié. Et à l’instar du Fairmont, il est engagé dans l’initiative Goodfish, à travers laquelle les restaurants garantissent de ne servir que du poisson et des fruits de mer pêchés selon des méthodes respectueuses de l’environnement et des espèces marines protégées.

La vie sous-marine, c’est évidemment le socle fondateur du Musée océanographique de Monaco. Perché sur une falaise escarpée, il émerge des flots, ce qui explique sans doute son surnom de « Temple de la Mer ». Créé en 1910 par le Prince Albert Ier, il joue depuis son origine un rôle clé dans la protection des océans.

Il abrite plus de 6’000 animaux marins mais aussi d’innombrables objets et trésors découverts lors d’explorations sous-marines tout au long du XXe  siècle. Le musée organise régulièrement des expositions immersives et interactives, qui « permettent de plonger sans se mouiller », s’amuse Pierre Gilles, chargé de la politique des océans du musée.

Et de fait, on ne peut être qu’émerveillé par cette nuée de poissons exotiques et multicolores, ces coraux fluorescents, ces majestueuses tortues qui battent mollement des nageoires, ou par ces requins dont la silhouette frôle les vitres de leur aquarium.

Mais au milieu de cet enchantement apparaît soudain une image cauchemardesque. Il s’agit de l’œuvre Profanation, de l’artiste Philippe Pasqua, qui nous offre à voir un aquarium rempli de déchets… Des canettes, une cuvette de toilette, et surtout un effrayant masque de clown en plastique, autant de détritus que l’artiste a récupérés en Méditerranée, en une seule plongée. Cette œuvre s’inscrit dans le cadre de la campagne Les aquariums du monde contre la pollution des océans et nous rappelle avec force la fragilité des écosystèmes marins et le très lourd impact de l’activité humaine sur ceux-ci.

Elle a joué un rôle d’électrochoc sur les propriétaires du Stars’n’Bars, un bar sportif qui jouit d’une position idéale, au centre du port Hercule. « Ils se sont demandé quel monde ils allaient laisser à leurs enfants et se sont rendu compte qu’eux aussi pouvaient agir », détaille Annette Anderson, la gérante. Alors ici aussi, la carte propose de nombreux plats conçus avec des produits bio et locaux, qui pour la plupart proviennent du potager maison. Le bar dispose également de son propre système de filtration d’eau, qui fonctionne avec 100% d’énergies renouvelables.

Un engagement bien connu dans la région, puisque le bar organise également de nombreux événements et ateliers destinés à apprendre à ses clients comment vivre de façon plus écoresponsable. En ce moment, les clients se voient offrir des consommations gratuites s’ils ramènent des mégots de cigarette, qui éviteront ainsi de finir dans la mer.

Monaco est donc loin de se contenter de faire du « greenwashing ». Néanmoins, malgré une transition déjà bien entamée, le faste monégasque est-il compatible avec la neutralité carbone ? « On ne peut pas jeter aux orties l’économie de tout un pays. Alors on essaie de compenser les activités les plus émettrices par des initiatives vertueuses », explique Annette Anderson. Elle reconnaît néanmoins que les voitures de luxe, très consommatrices de carburant, défilent toujours aussi régulièrement dans les rues, sans parler du Grand Prix annuel de Formule 1, le sport le moins écoresponsable du monde. « Les touristes ne sont pas aussi investis que ceux qui vivent ici, c’est pourquoi nous devons nous assurer que tout le monde suive le mouvement et fasse en sorte que Monaco reste propre et écolo. »

Le Musée océanographique de Monaco est très investi dans la protection des océans.
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© R. Harrison Plesse
Le Musée océanographique de Monaco est très investi dans la protection des océans.

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