Fetsival du premier roman de Chambéry
N° 127 - Automne 2018

Le premier roman a le vent en poupe !

Pas très loin de Genève, à Chambéry, se tient depuis maintenant plus de trente ans, durant quatre jours au mois de mai, le Festival du premier roman. Cet événement attire chaque année plus de 10 000 visiteurs, venus découvrir et rencontrer la fine fleur des auteurs de premier roman francophones et européens de l’année accompagnés d’écrivains confirmés. À cette occasion, ils participent à des tables rondes, des lectures ou rencontres scolaires. Derrière cet événement phare se trouve une association, Lectures Plurielles, et son réseau de 3 200 lecteurs répartis sur toute la France, mais également dans plusieurs pays européens, Suisse romande comprise, et aussi au Burkina Faso, au Québec et au Laos. Rencontre avec Daniela Dughera Faraill, en charge des Relations internationales et des Relations avec les établissements scolaires et universitaires du Festival du premier roman de Chambéry.

– Comment fonctionne le Festival du premier roman ?

Daniela Dughera Faraill : Notre association a créé le Festival du premier roman en 1987 à Chambéry. Actuellement, tout au long de l’année, notre réseau de 3 200 lecteurs non professionnels lit une riche sélection de premiers romans publiés par les maisons d’édition de la francophonie et européennes et choisit ceux qui portent une promesse littéraire. Le festival est le moment phare de l’année. Nous y accueillons les lauréats, quinze francophones et sept européens, sélectionnés par les lecteurs. La Ville de Chambéry et les commerçants s’investissent totalement dans cet événement qui accueille 10 000 visiteurs chaque année. Le Festival est soutenu par de prestigieux partenaires au niveau régional, national et international. La presse locale, écrite et radio, relaye l’événement. En outre, nous avons une plateforme numérique, Alphalire (www.alphalire.com), qui rend les romans disponibles pour tous tout au long de l’année.

– Quel est l’intérêt de ce festival pour les auteurs ?

Pour beaucoup d’entre eux, le festival constitue une première rencontre avec les lecteurs, il y a un effet « promo ». Les auteurs y ont cru à ce moment-là. Il s’agit d’un moment fort dont ils se souviendront toute leur vie. C’est un événement fondateur. Ce festival permet aussi de tisser des liens entre auteurs. Ils ont été ensemble ici à Chambéry et du coup ils se suivent ensuite après, deviennent parfois amis, construisent des projets ensemble. Lors du festival, nous faisons aussi en sorte d’accompagner les auteurs, car les débuts littéraires sont fragiles. Ils y puisent pour la plupart de l’énergie, c’est un tremplin pour leur carrière. Et après, on garde des liens. Nous avons un comité qui lit toutes les publications suivantes, on suit leur itinéraire, et chaque année on leur propose de revenir et de participer à des tables rondes. C’est là aussi que le discours s’enrichit et pour le public et pour les primo-romanciers qui y trouvent auprès d’autres auteurs une forme de mentorat.

– Votre démarche ne se limite pas au premier roman français. Vous prônez l’ouverture, n’est-ce pas ?

En effet, nous faisons également la promotion des premiers romans italiens, espagnols, allemands, britanniques, portugais et roumains. Leurs auteurs sont parfaitement intégrés dans la programmation du festival : ils participent à des rencontres littéraires en langue étrangère, aux tables rondes avec les primo-romanciers francophones, aux ateliers de traduction, aux dédicaces…

Dans chaque pays, francophone et européen, on recherche des partenaires pour promouvoir la création littéraire, ce qui nous intéresse c’est un travail de veille littéraire. L’idée est d’insérer dans notre présélection des auteurs publiés par des maisons d’éditions issues de pays francophones et d’autres pays européens tels que l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Roumanie et le Portugal, et de pouvoir nous nourrir mutuellement. Pour la Suisse, nous avons d’ores et déjà pris contact avec la Fondation pour l’écrit du Salon du livre de Genève, ainsi que le Prix littéraire SPG.

– En quoi le premier roman se distingue-t-il des autres romans, en dehors du fait que ce soit le premier publié ?

– Un premier roman, c’est un roman « gratuit », il n’y a pas d’attente, c’est souvent le roman de l’intime. Le deuxième, lui, perd un peu de son innocence. Bien souvent, le premier roman c’est un texte qui a été rédigé dans l’intimité, sans avoir pensé à être édité, un manuscrit gardé longtemps dans un tiroir.

– Comment sélectionnez-vous vos premiers romans ?

– Nous avons un comité de présélection se réunissant tout au long de l’année afin de proposer une riche sélection de premiers romans publiés dans l’année. Nos membres du jury sont intraitables, ils ne regardent ni les prix obtenus ni les maisons d’édition. Cela nous fait parfois un peu de tort par rapport au monde de l’édition, voire vis-à-vis de grandes maisons d’édition. Toutefois, on ne s’ignore pas. Si un livre a reçu un prix littéraire et qu’il ne se trouve pas dans notre présélection, on se questionne, on peut éventuellement réévaluer notre appréciation. On peut se tromper aussi !

– Quels sont les thèmes le plus fréquemment abordés ?

– Dans les premiers romans, on retrouve les inquiétudes de notre culture et de notre société. Le monde du travail est très présent, on y parle de suicide, de souffrance. D’autres romans portent sur l’Histoire, ou des personnages forts de l’Histoire. Les liens familiaux, l’enfance ou la maladie d’Alzheimer. On pourrait faire un catalogue de toutes les nouvelles tendances sociétales. Le roman est une réponse à un questionnement sur des problèmes actuels de notre société, ou une réflexion sur une thématique vue par le biais d’un personnage, de l’histoire ou de l’art.

– En quoi ce festival et ce réseau soutiennent-ils la création littéraire ?

– Dans le foisonnement de ces deux rentrées littéraires, en septembre et en janvier, où près de 600 romans sortent, certains professionnels misent parfois sur le label, l’étiquette « premier roman » et si au bout de quinze jours, placé en tête de gondole, le livre ne marche pas, ne se vend pas, il est remplacé par un autre. C’est une industrie, ne l’oublions pas, il faut faire place à d’autres livres. Malgré cela, le roman peut être de bonne qualité, et si l’auteur n’est pas accompagné par une dynamique telle que la nôtre, des romanciers peuvent abandonner. Je le rappelle, le critère, pour ce qui nous concerne, c’est l’avis du lecteur. Depuis trente ans que nous existons, notre lectorat est éduqué, il est à même de déceler le talent d’un auteur, il a une vraie sensibilité littéraire.

La relève littéraire suisse romande est en marche

En Suisse romande aussi les initiatives ne manquent pas pour soutenir et encourager la relève littéraire. La Fondation pour l’Écrit du Salon du livre de Genève, fondation de droit privé, a lancé en 2017 un programme intitulé « De l’écriture à la promotion ». Delphine Hayim, chargée de projet culturel à la Fondation pour l’Écrit du Salon du livre de Genève, nous en dit plus sur cette belle initiative.

– La deuxième édition du programme « De l’écriture à la promotion » vient de démarrer. L’idée d’encourager la relève littéraire en Suisse romande au travers de programmes comme celui-ci n’est pas nouvelle.

Delphine Hayim : En effet, ce programme prolonge le projet de mentorat littéraire « Parrains & Poulains », où un auteur confirmé rencontrait sur une période de six mois un auteur débutant. Ce programme avait été lancé en 2013 par la présidente du Salon du livre de Genève de l’époque, Isabelle Falconnier. Le programme « De l’écriture à la promotion », lui, est légèrement différent. Il vise à intensifier et à renforcer le soutien et la promotion des auteurs sur tous les aspects professionnels et pas seulement littéraires. Au fond, nous nous sommes rendu compte que les auteurs avaient aussi besoin d’échanger avec des professionnels de l’édition et pas seulement avec des auteurs confirmés, même si ces échanges sont enrichissants et bénéfiques.

– Quel bilan tirez-vous de la première édition et quels changements avez-vous apportés ?

– La première édition, selon les témoignages des uns et des autres, fut très gratifiante, enrichissante, utile. Les auteurs sont heureux que nous leur donnions cette opportunité. Même les professionnels du secteur sont ravis d’intervenir, ils se prennent au jeu, apprécient ce huis clos. Pour la deuxième édition, nous avons un peu resserré les critères de sélection pour l’appel à candidatures, car nous nous sommes aperçus que les auteurs n’étaient pas tous au même stade dans leur projet ou carrière littéraires. Nous avons tout de même reçu près de 30 dossiers de qualité. L’année prochaine, il est possible que nous adaptions encore nos critères en fonction du bilan que nous tirerons de cette deuxième édition, notamment au niveau de la limite d’âge.

– En quoi consiste précisément ce programme ?

– Ce programme de soutien s’adresse exclusivement aux auteurs sélectionnés. Les critères sont en libre accès sur notre site Internet. Les auteurs doivent avoir déjà publié un texte (nouvelles, romans…) à compte d’éditeur. Une fois sélectionnés, ils sont ensuite conviés à six rencontres professionnelles en Suisse romande (entre septembre 2018 et mai 2019) au cours desquelles ils vont rencontrer des éditeurs, des bibliothécaires, des journalistes, des libraires… Au fil des mois, les auteurs devront aussi rédiger des textes pour nos partenaires presse La Couleur des jours et ActuaLitté. Si les moyens nous le permettent, nous aimerions aussi les emmener au Festival du premier roman de Chambéry où ils pourraient parler de leurs projets et du programme en public.

– Quels sont les objectifs ?

– Créer une émulation, une dynamique de groupe. Les auteurs se sentent moins seuls, mieux armés. Comme je l’ai dit, le but essentiel c’est l’aspect professionnalisant plus que le rapport avec le lecteur. Ce n’est pas la vocation du programme en tant que tel que d’organiser des rencontres avec les lecteurs, même si certains auteurs seront peut-être présents sur les scènes du Salon du livre en mai prochain. Les auteurs qui participent à nos rencontres ont des demandes très précises: comment négocier un contrat ? Comment aborder un libraire ? Quel rôle peut jouer un agent littéraire dans ma carrière ? etc. C’est très technique parfois, nous parlons chiffres et pourcentages. En-fin, l’objectif à terme, c’est aussi de créer un réseau entre auteurs, mais également avec tous les intervenants afin que tout le monde se parle, s’entraide, partage des compétences et des expériences.

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