Judith Wyder. Gagnante de l'épreuve sprint aux championnats du monde 2014, Judith Wyder (en maillot) est la nouvelle star de la course d'orientation en Suisse.
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Judith Wyder. Gagnante de l'épreuve sprint aux championnats du monde 2014, Judith Wyder (en maillot) est la nouvelle star de la course d'orientation en Suisse. © Fédération suisse de course d'orientation
N° 117 - Été 2015

La fièvre de la course d’orientation gagne la Suisse

Souvent pratiquée en pleine nature, nécessitant un matériel peu onéreux, la course d’orientation compte de plus en plus d’adeptes en suisse. En quelques années, les athlètes de l’équipe nationale se sont hissés au top de la discipline, contribuant à créer un véritable engouement auprès du public. Éclairages.

Course d’orientation. Pour des jambes qui pensent.

Le slogan de la Fédération suisse de course d’orientation résume bien les aptitudes qu’il faut développer pour réussir dans ce sport : une bonne condition physique et un sens de l’orientation aiguisé. On peut pratiquer à peu près partout, que ce soit dans un préau, en ville, dans un village, en forêt ou en montagne. Si différents formats de course existent, le principe est à chaque fois le même : plusieurs postes sont dessinés sur la carte de course d’orientation que chaque participant reçoit au départ d’une compétition. Après avoir étudié le terrain, le coureur décide lui-même du cheminement qu’il empruntera pour les rejoindre. La difficulté réside dans l’identification du tracé le plus rapide (cela vaut-il la peine de faire un détour sur la route forestière, ou est-ce plus rapide de traverser directement le ravin ?) et dans la capacité à reconnaître ensuite ce même tracé une fois dans le terrain (suis-je actuellement au ruisseau se situant à gauche ou à droite du poste ?). Seule aide autorisée en plus de la carte, qui est au coureur d’orientation ce que la raquette est pour le joueur de tennis : la boussole, que chaque pratiquant se doit de savoir utiliser parfaitement. Une fois au poste, que signale généralement une balise blanc-rouge fixée sur un piquet, chacun doit confirmer la position avec sa puce électronique personnelle, ou « doigt » dans le jargon des coureurs. Logiquement, le vainqueur est celui qui parvient à rallier tous les postes en un minimum de temps.

Des compétitions tous les week-ends

Pour comprendre l’essor que ce sport rencontre aujourd’hui en Suisse, et en particulier dans les cantons alémaniques, il faut remonter un peu dans le temps. Pratiquée depuis 1930, la course d’orientation n’est d’abord qu’un simple sous-groupe au sein d’autres associations sportives nationales, jusqu’à ce que la Fédération suisse de course d’orientation voie le jour, en 1978. Au début des années 1980, la Suisse se distingue régulièrement lors de compétitions internationales majeures. Les hommes gagnent le relais aux championnats du monde de 1991, 1993 et 1995, mais il faudra attendre les championnats du monde de Rapperswil-Jona, en 2003, pour que ce sport reçoive vraiment l’attention du public et des médias. Cette année-là, en direct devant les caméras de la télévision alémanique, la Bernoise Simone Niggli-Luder gagne le sprint, puis trois autres médailles d’or dans la foulée. Ces performances exceptionnelles lui valent de recevoir le titre très convoité de « Sportive de l’année ». Avec elle, la course d’orientation a trouvé son Federer : l’athlète helvétique aux 23 titres mondiaux qui, soit dit en passant, possède le plus beau palmarès de la discipline, a largement contribué à rendre plus attractive l’image de ce sport à travers le pays.

« Aujourd’hui, plus de 90 clubs disséminés à travers le territoire national permettent à chacun de trouver une structure proche de chez lui pour s’entraîner, témoigne le Genevois Charles Lehmann, 53 ans et pratiquant régulier. Deux saisons rythment l’année du coureur. La première s’étend de mars à mi-juin. La seconde de fin août à début novembre. Chaque week-end ou presque, des courses sont organisées par les clubs, qui font preuve d’un dynamisme extraordinaire. » La forme la plus courante de compétition est la CO individuelle. Des compétitions par équipe ou en relais sont également mises sur pied, mais plus rarement. La CO individuelle se décline en trois disciplines, qui se différencient avant tout par leur distance respective. Les meilleurs ont besoin d’environ 15 minutes pour le « sprint ». On compte généralement avec des temps allant de 30 à 40 minutes pour la « moyenne distance », et de 60 à 90 minutes pour la « longue distance ». Grâce aux nouvelles technologies, les spectateurs peuvent suivre les concurrents en temps réel avec des traceurs GPS, ce qui rend les compétitions encore plus palpitantes.

Un sport pour tous

De l’aveu de nombreux coureurs, si la course d’orientation plaît tant, c’est parce qu’elle se déroule dans la nature. Aux joies de l’effort s’ajoute le plaisir de courir dans des paysages variés, en dehors des sentiers balisés. « Les rencontres avec la faune sauvage sont fréquentes, acquiesce Charles Lehmann. On croise régulièrement des lièvres, des biches et d’autres animaux, quand ce ne sont pas des champignonneurs interloqués qui nous regardent passer en ouvrant de grands yeux. »

L’ambiance bon enfant de la discipline ressort également dans les propos de nombreux adeptes. « En compétition, chacun peut trouver une catégorie qui lui convient, relève Jonas Mathys, responsable de la communication à la FSCO. En dehors des élites, il existe une multitude de catégories pour les enfants, les juniors, les seniors et les débutants. Les courses sont caractérisées par une ambiance très détendue. Un garçon de 12 ans, sa mère de 40 ans et un senior de 80 ans peuvent parfaitement côtoyer au départ la championne du monde Simone Niggli-Luder. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le plus jeune membre de la fédération a 8 ans et le plus âgé… 87 ans ! »

La course d’orientation se pratiquant toujours dehors, les coureuses et coureurs d’orientation n’ont besoin ni de stades ni de salles de sport pour s’entraîner. « Les coureurs ne sont pas licenciés, de même qu’il n’est pas obligatoire d’adhérer à un club, rappelle encore Jonas Mathys. Pour la majorité des courses régionales, une inscription sur place suffit. » Tout à fait modestes, les finances d’inscription démarrent à 6 francs pour les épreuves populaires, bien moins que les sommes demandées aux coureurs de distances plus longues, comme le semi ou le marathon. Se résumant à une boussole, à des chaussures adaptées au terrain, à des pantalons longs faits dans un tissu spécial à maille aérée – qui protège notamment des tiques – et à des mini-guêtres, l’équipement n’est guère onéreux, n’excluant personne de la possibilité de pratiquer.

Ce n’est pas un hasard si le plus jeune membre de la fédération a 8 ans et le plus âgé … 87 ans !

La relève est assurée

Si les adeptes de la course d’orientation sont toujours plus nombreux, le nombre de jeunes pratiquants pourrait encore augmenter sensiblement ces prochaines années. Lancé en 2002, le programme sCOOL – un acronyme pour les mots allemands école (Schule) et course d’orientation (Orientierungslauf) – a été mis sur pied pour initier les écoliers de toute la Suisse à cette discipline de manière ludique. Le projet offre aux enseignants des activités, du matériel pédagogique, des cours de formation, des conseils et un soutien pour tout ce qui touche à la lecture d’une carte et à la pratique de la course d’orientation, autant d’activités qui font partie du programme scolaire du cycle primaire. D’ailleurs, le 23 mai 2003, un record mondial a été validé à cette occasion par le Guinness Book, qui a enregistré la participation de 1381 établissements scolaires et de 207 979 élèves et adultes à ce qui a été désigné comme le plus grand événement sportif populaire du monde ! Plusieurs régions prioritaires sCOOL sont constituées chaque année par les clubs et les associations régionales, qui s’engagent à mettre sur pied des formations dans différentes écoles et un camp, au terme duquel ces derniers assurent aux enfants intéressés un entraînement sur le long terme adapté à leur niveau.

Longtemps perçue comme un sport passé de mode, la course d’orientation a su se reconstruire une image plus dynamique. Les sponsors ne s’y trompent pas, et investissent chaque année toujours plus de moyens dans les campagnes destinées à promouvoir la discipline. Si Simone Niggli-Luder a officiellement mis fin à sa carrière internationale, le dynamisme de la relève en catégorie élite a de quoi rassurer sur la place que la Suisse continuera à occuper sur le devant de la scène. Et un jour, qui sait, la course d’orientation sera aussi populaire chez nous qu’elle l’est en Scandinavie, où les plus grandes compétitions attirent jusqu’à 10 000 participants !

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