Frédéric Lenoir. Dans son dernier livre, « Philosopher et méditer avec les enfants », le philosophe pratique la méditation et mène des ateliers philo avec des enfants dès l’âge de 5 ans. Accompagné d’un CD-ROM, ce livre est conçu comme un guide pratique à utiliser en classe ou à la maison.
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Frédéric Lenoir. Dans son dernier livre, « Philosopher et méditer avec les enfants », le philosophe pratique la méditation et mène des ateliers philo avec des enfants dès l’âge de 5 ans. Accompagné d’un CD-ROM, ce livre est conçu comme un guide pratique à utiliser en classe ou à la maison. © Éric Garault
N° 122 - Printemps 2017

« On forme des citoyens en argumentant »

Philosophe, journaliste, écrivain, Frédéric Lenoir est une des figures de proue de la mindfulness en France, avec Matthieu Ricard, Fabrice Midal ou Christophe André. Dans son dernier ouvrage, « Philosopher et méditer avec les enfants », Frédéric Lenoir propose de mettre en place des ateliers philosophiques et de méditation dans les écoles, car les enfants, spontanément et d’une manière authentique, ont une extraordinaire capacité d’étonnement. Il lance dans le même temps une fondation, nommée SEVE, dans le but de former des professeurs à la méditation et aux ateliers philosophiques. Des cours seront également donnés en Suisse, à Genève d’abord, puis à Lausanne. Rencontre.

– Est-il urgent aujourd’hui de méditer et de philosopher ?

– Oui, il est important de prendre du recul avec ses émotions, mais aussi de prendre du recul avec sa raison, autrement on est aspiré dans un monde qui va trop vite, où tout change tout le temps. Nous sommes soumis à un matraquage d’informations totalement disparates, non hiérarchisées. Tout arrive en continu sans priorité. Les chaînes d’info et les réseaux sociaux qui déversent de l’information en continu ne la décryptent pas ; au contraire, ils la scénarisent pour que les gens restent scotchés devant leur écran, comme devant un feuilleton. Si vous absorbez toutes ces informations sans discernement, vous pouvez tomber dans n’importe quelle théorie du complot, être manipulé par n’importe quel démagogue. C’est un problème de non-gestion, de non-ingestion de l’information. Ce qui permet de prendre du recul, de gagner en liberté, c’est, d’un côté, travailler sur soi, sur ses émotions, la méditation permet de prendre de la distance sur ses ressentis, et la deuxième chose, c’est d’apprendre à discerner, à avoir un esprit critique, à réfléchir, à argumenter, à distinguer ce qu’est un savoir et une croyance. C’est ce qui est fait dans le cadre des ateliers philosophiques.

– Dans votre livre « Philosopher et méditer avec les enfants », vous proposez de les initier en classe ou à la maison à la philosophie et à la méditation. Pourquoi les enfants ?

–  Je pense que plus on commence jeune, mieux c’est. D’abord, parce que cela va les aider toute leur vie. Ensuite, parce que les enfants ont une capacité d’apprentissage que n’ont plus du tout les adolescents ou les adultes. Ils sont ouverts à tout, ils se posent plein de questions. Comme le dit Aristote, la philosophie commence avec l’étonnement, et les enfants s’étonnent facilement, se demandent pourquoi en regardant le monde, donc profitons de cet étonnement, de cette curiosité pour faire de la philosophie. Déjà adolescent, on est plus dans les certitudes, dans des phénomènes de mode, on est plus grégaire. Enfant, on a vraiment cette ouverture, cette fraîcheur et cette spontanéité qui permettent de philosopher.

– Vous pensez qu’aujourd’hui les gens sont plus ouverts à la méditation, à la philosophie ?

– Oui, tout à fait. Il y a dix ans, les gens auraient dit « c’est n’importe quoi, la méditation, c’est une secte » et pour la philosophie qu’il n’est pas possible d’en faire avant 25 ans !Les temps changent et tant mieux. De nos jours, la pleine conscience se développe partout : au Parlement en France, dans les entreprises, dans les hôpitaux, les prisons. Et pourquoi pas à l’école ? Pourquoi ne pas leur apprendre à être, à nos enfants ? Le but, ce n’est pas d’accumuler des connaissances, c’est d’apprendre à juger, à discerner, à avoir un esprit critique ; comme le dit Montesquieu : « Mieux vaut une tête bien faite, qu’une tête bien pleine. »
Un signal fort a été lancé le 18 novembre dernier par l’UNESCO qui a créé une Chaire sur la pratique de la philosophie avec les enfants. Cette chaire a pour vocation de rassembler les méthodes, de les harmoniser.

– En même temps que le livre, vous avez lancé la Fondation SEVE ; quels sont ses buts ?

– I l y a deux axes. D’une part, la fondation a pour vocation de fédérer et de faire connaître tout ce qui existe dans ce domaine-là. En Suisse, l’association proPhilo existe depuis dix-sept ans à Genève, par exemple. Il y a déjà beaucoup de lieux, d’associations qui organisent des ateliers philosophiques mais cela n’est pas ou presque pas connu. L’idée est de recenser toutes ces initiatives pour qu’elles soient repérables sur un site Internet : www.fondationseve.org.

D’autre part, au travers de la fondation, je lance dans tous les pays francophones des écoles de formation dont l’enseignement est basé sur la philosophie, la méditation et la psychologie, car ces trois éléments sont indissociables. En début d’année 2017, nous allons lancer une formation à Genève, et peut-être à Lausanne. Pour financer ces formations, la Fondation SEVE cherche des mécènes. Une fois par an, il est prévu de les réunir en présence de personnalités du conseil de fondation, à savoir Boris Cyrulnik, Christophe André et d’autres pour les remercier.

– Votre livre est-il déjà un bon outil pour démarrer un atelier philosophique en classe ou à la maison avec ses propres enfants ?

– Mon livre est simple, basique, avec des fiches classées par thème pour expliquer les grandes idées. Si vous voulez mener seul un atelier philosophique avec vos enfants, vous pouvez déjà vous inspirer de cet ouvrage, et puis je donne des règles. On n’est pas là par exemple pour donner son avis, on est là pour aider les enfants à exprimer leurs propres idées et à les faire débattre d’une manière démocratique. On forme des citoyens en argumentant. Les formations destinées aux enseignants permettent d’aller plus loin. Après une formation théorique, les candidats vont faire un stage dans des écoles partenaires. À la suite de quoi, on obtient une certification. En France, celle-ci sera reconnue par l’Éducation nationale.

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