N° 127 - Automne 2018

Vincent Callebaut l’architecte des villes fertiles du futur

Les pages d’un cahier noir et grand format portent les projets démesurés de l'architecte futuriste Vincent Callebaut. Penser grand, imaginer sans limite sont les privilèges de ceux que l’on a privés d’avenir. « À 25 ans, je n’avais plus rien à espérer. Face à la catastrophe environnementale, on nous disait qu’il fallait accepter, que chercher une issue était illusoire. Je suis lucide mais pas vaincu : la situation est si désespérée que nous ne pouvons plus nous permettre d’être pessimistes ! »

La formule rythme les entretiens que Vincent Callebaut accorde aux quatre coins de ce monde qui va si mal. On le convoque à l’ONU ; on l’invite à parler devant la Commission européenne, on le sollicite dans de savants colloques ou de grands événements médiatiques. Gramsci pensait que pour réussir une révolution, il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté. À écouter le prophète des « villes fertiles », on se dit que cela peut marcher aussi en architecture.

Il n’a pas encore 40 ans. Il veille à ce qu’on ne l’oublie pas en faisant remarquer que Renzo Piano avait son âge, en 1971, quand son projet révolutionnaire pour le Centre Pompidou a été choisi parmi 691 autres. À cette époque, le génial Italien imaginait des villes et des bâtiments capables de se déplacer comme d’énormes coléoptères. Callebaut a repris l’idée de la ville vivante. Il invente des cités qui nourrissent seules leurs populations, éliminent leurs déchets et purifient l’air et l’eau qu’elles consomment. Leurs bâtiments ont la capacité de produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment.

Pendant des années, il a crayonné ses rêves dans sa chambre de bonne. Il n’est l’héritier d’aucune fortune et tient à ce que ses interlocuteurs s’en souviennent. À La Louvière, en Belgique, sa mère est infirmière et son père, ouvrier métallurgiste.

Un passage au sein de l’agence de Jacques Rougerie l’entretient dans ses projets. Son éphémère patron pense au moins aussi haut, aussi grand et aussi pur que lui. Depuis le
milieu des années 1970, Jacques Rougerie annonce l’avènement de la civilisation des Mériens, des humains comme nous mais qui vivront sur les océans, dans ces cités flottantes. En 1978, Jacques Rougerie publie son livre Habiter la mer. Depuis, sa péniche-atelier, amarrée sur la Seine au cœur de Paris, est le rendez-vous d’un club prestigieux de scientifiques, d’anciens chefs d’État, de spationautes, d’explorateurs des abysses, des étoiles, des pôles, qui préparent le Grand Retour ; vers l’océan. L’ère terrestre approche de sa fin et il est urgent « d’océaniser l’humanité ». Les cités mériennes seront des démocraties idéales, gouvernées selon le principe de la « non-prédation ». Elles ne dépendront de personne pour alimenter, chauffer et nourrir leurs habitants. Une « paysannerie de la mer » cultivera les algues, les poissons, les crustacés nécessaires à l’alimentation des Mériens. Leur énergie sera produite par la maîtrise des courants marins, des panneaux solaires et la photosynthèse des algues microscopiques.

Vincent Callebaut. L’architecte invente des villes qui guérissent l’environnement pour éviter l’apocalypse climatique.
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© Jean Marie Hosatte
Vincent Callebaut. L’architecte invente des villes qui guérissent l’environnement pour éviter l’apocalypse climatique.

« Toutes les technologies nécessaires à l’édification de cette nouvelle civilisation existent déjà ! » martèle Jacques Rougerie. C’est un argument que reprend Vincent Callebaut quand il décrit Dragonfly, son projet de ferme verticale géante qu’il a l’intention d’amarrer, à quelques encablures de Manhattan. Le bâtiment a la forme d’une aile de libellule, translucide et nervurée, de 132 niveaux, culminant à 700 mètres de hauteur. Trente mille personnes pourraient y vivre mais surtout produire assez d’alimentation biologique pour approvisionner 50 000 citadins en lait, viande, légumes, céréales et fruits. Les productions de Dragonfly seront toutes biologiques. Aucun engrais chimique, aucun pesticide ne sera utilisé pour les cultures. La « tour bionique » produira elle-même toute l’énergie solaire et éolienne dont elle aura besoin. Dragonfly ne rejettera aucun déchet. Les eaux usées seront filtrées par les plantes et les résidus solides seront transformés en engrais. L’empreinte carbone de la gigantesque ferme verticale sera nulle, elle contribuera même à purifier l’atmosphère de New York.

Le projet a été élaboré en collaboration avec les scientifiques du MIT – en particulier Dickson Despommier, l’inventeur de l’agriculture urbaine verticale – qui estiment que rien ne s’oppose techniquement à sa réalisation. Pourtant les sceptiques abondent. L’architecte Michael Sorkin se passionne lui aussi pour l’agriculture urbaine. Après avoir étudié le sujet pendant six ans, il est arrivé à la conclusion qu’il faudrait l’énergie de 30 centrales nucléaires pour produire assez de chaleur et de lumière pour apporter chaque jour 2 500 calories « bio » aux 8,5 millions d’habitants de New York. Il serait donc mathématiquement illusoire qu’une mégapole puisse vivre un jour en autarcie alimentaire.

Pour Vincent Callebaut, les réticences que suscite sa vision du futur des villes n’expriment rien d’autre qu’un conflit de générations : « Les décideurs, les scientifiques, les élus, les promoteurs qui ont moins de 60 ans soutiennent nos projets, ceux qui ont dépassé cet âge en ont peur. »

En 2010, il a pu fonder son agence en remportant un concours pour la création d’une tour d’habitation à Taïpei.

Les cités fertiles guériront l’environnement. L’humanité urbanisée fabriquera elle-même toute sa nourriture dans ses villes fertiles. Aucune ressource ne sera prélevée. La nature aura le temps de se reconstituer après des siècles d’exploitation irraisonnée.
Les cités fertiles guériront l’environnement. L’humanité urbanisée fabriquera elle-même toute sa nourriture dans ses villes fertiles. Aucune ressource ne sera prélevée. La nature aura le temps de se reconstituer après des siècles d’exploitation irraisonnée. © Agence Vincent Callebaut
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La nature est le véritable architecte des villes fertiles. Une tour Dragonfly pourra fournir assez de légumes, de fruits, de céréales, de lait et de viande à 50 000 personnes grâce à l’utilisation optimisée de l’eau et de la lumière.
La nature est le véritable architecte des villes fertiles. Une tour Dragonfly pourra fournir assez de légumes, de fruits, de céréales, de lait et de viande à 50 000 personnes grâce à l’utilisation optimisée de l’eau et de la lumière. © Agence Vincent Callebaut
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En Chine, le tourisme de masse irresponsable est une calamité. Vincent Callebaut propose d’obliger les touristes à se mêler aux résidents permanents. Les uns et les autres apprennent à s’accepter dans un environnement conçu pour éviter conflits et gaspillages.
En Chine, le tourisme de masse irresponsable est une calamité. Vincent Callebaut propose d’obliger les touristes à se mêler aux résidents permanents. Les uns et les autres apprennent à s’accepter dans un environnement conçu pour éviter conflits et gaspillages. © Agence Vincent Callebaut
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Son projet s’est imposé face à ceux de Norman Forster, de Zaha Hadid et de toute une galaxie de « starchitectes ». Le promoteur taïwanais a été convaincu par la « forte identité visuelle » de l’Agora Garden conçu par Vincent Callebaut, mais ce qui a fait la différence c’est le fait que, de sa construction jusqu’à son exploitation, l’ensemble consommera deux fois moins d’énergie qu’un bâtiment de taille et de confort équivalent. « Le promoteur m’a simplement dit : invente ce qui n’existe pas encore ! Il voulait être le premier à construire un immeuble emblématique d’un urbanisme raisonnable, dont le souci premier est de concilier le bien-être de ses habitants avec la préservation de l’environnement. »

Égypte – Gate Heliopolis

Depuis ce premier succès, l’agence de Vincent Callebaut est sollicitée pour de nombreux projets dans les pays émergents : « Dans ces pays, nous sommes portés par l’enthousiasme de toute une génération de décideurs politiques, de promoteurs, de banquiers, d’investisseurs qui ont le même âge que nous. Ils ont été élevés, comme nous, dans la certitude que le monde fonce vers sa fin. Ensemble, nous voulons échapper à ce sort et l’architecture représente une solution. »

En 2050, Le Caire comptera 40 millions d’habitants alors que la ville peine déjà à offrir un minimum vital de services, de logements, de sécurité à 25 millions d’individus. Le projet Gate Heliopolis est destiné à démontrer qu’il est possible de créer des oasis urbaines où des milliers de familles pourront vivre dans une atmosphère rafraîchie et pure sans avoir recours à la climatisation artificielle. L’eau, qui sera une ressource rare et hors de prix en Égypte dans quelques années, est recyclée naturellement et réutilisée sans fin. L’air extérieur surchauffé est aspiré par des puits à vents vers le sous-sol où il est rafraîchi avant d’être redistribué vers les 1 200 appartements, les galeries commerçantes, les bureaux et les jardins intérieurs. Le soleil fournit l’énergie nécessaire au fonctionnement du bâtiment. Le toit porte 25 000 mètres carrés de jardins collectifs. Gate Heliopolis offrira à ses habitants un niveau de confort auquel on ne peut accéder, dans cette région du monde, qu’en dépensant des fortunes et en polluant l’air, l’eau et les sols. « Il n’y a aucune raison d’expliquer aux populations des pays émergents qu’elles doivent accepter la décroissance, la frugalité et les privations pour payer la note environnementale d’erreurs que nous avons tous commises », plaide Vincent Callebaut. « Mon objectif, en Égypte est de démontrer que des communautés entières peuvent jouir d’une vie agréable sans avoir pour cela à se comporter comme des prédateurs de ressources rares et des pollueurs. »

En 2050, Le Caire comptera 40 millions d’habitants. Pour éviter que la situation ne tourne au chaos, les nouveaux urbains seront logés dans des immeubles où ils disposeront naturellement – et à coût réduit – d’eau, de nature et de fraîcheur.
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© Agence Vincent Callebaut
En 2050, Le Caire comptera 40 millions d’habitants. Pour éviter que la situation ne tourne au chaos, les nouveaux urbains seront logés dans des immeubles où ils disposeront naturellement – et à coût réduit – d’eau, de nature et de fraîcheur.

Les hydrogénases

Vincent Callebaut appartient à cette génération que l’on a entretenue dans la certitude qu’elle serait la dernière, au mieux l’avant-dernière libérée du souci de se battre pour manger, boire, se soigner avant le déclenchement de l’apocalypse climatique. Il n’accepte pas d’être privé d’avenir. Il conçoit des formes urbaines qui n’aggraveront pas la situation mais contribueront à réparer les dégâts déjà commis. Le salut de l’humanité est dans la démesure de projets aussi gigantesques que ses hydrogénases. L’idée se situe entre l’ingénierie et la biologie. Une hydrogénase est un fuseau vertical volant de 480 m de haut et de 180 mètres de diamètre. Cet aéronef transportera une charge de 2 000 tonnes sur une distance de 10 000 kilomètres. Il est propulsé par des moteurs à hydrogène. Le carburant est produit dans des fermes flottantes où les déchets carbonés – tout particulièrement les particules de cette « soupe plastique » qui étouffe les océans – sont dégradés par des micro-algues. Pour remplir leurs réservoirs, les hydrogénases viennent s’amarrer le temps nécessaire aux fermes à hydrogène flottantes. Plus besoin d’aéroports. Tous les points de la planète sont accessibles.

On y arrivera simplement moins vite. Les aéronefs inventés par Vincent Callebaut ne volent qu’à 175 kilomètres/heure. On voyagera doucement, mais confortablement et sans mauvaise conscience. Les hydrogénases contribuent à dépolluer les océans et ne rejettent pas un gramme de carbone dans l’atmosphère.

Projet à la Jules Verne dont on peut penser qu’il restera pour toujours dans des cartons à dessins faute de financement. Ce serait oublier un peu vite que les projets de Callebaut correspondent idéalement aux espoirs d’une bonne partie de la génération Y. Selon de récentes études conduites par les banques internationales, ces millions d’hommes et de femmes, nés entre 1980 et 2000, vont hériter, de leurs parents, la génération X, la somme fabuleuse de 4 trillions de dollars. Cette estimation ne concerne que les États-Unis et la Grande-Bretagne. Selon Burkhard Varnholt, du Credit Suisse, il est évident « que les valeurs de la génération Y sont nourries d’une volonté sincère de rendre le monde meilleur. Le capital disponible sera utilisé pour améliorer la situation de l’ensemble de la communauté et restaurer l’environnement. Les capitaux seront investis prioritairement dans des projets de développement durable. »

Les projets de Vincent Callebaut ont toutes les chances d’être portés par cette conversion rapide aux valeurs de l’« impact investing ». Restera à surmonter les obstacles politiques et culturels.

 Les hydrogénases dévorent la soupe plastique qui étouffe les océans. L’énergie produite sert à propulser ces géants du ciel capables de transporter une charge de 2 000 tonnes, sur 10 000 kilomètres.
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© Agence Vincent Callebaut
 Les hydrogénases dévorent la soupe plastique qui étouffe les océans. L’énergie produite sert à propulser ces géants du ciel capables de transporter une charge de 2 000 tonnes, sur 10 000 kilomètres.

Paris en 2050

En 2015, la Mairie de Paris lui demande de dessiner la ville en 2050. Avant de crayonner la capitale, il la décrit telle qu’il la désire : « Verte, verticale, dense, hyperconnectée. »

Dans cette liste figure l’adjectif qui risque de faire s’enliser tout le projet dans de sanglantes escarmouches politiques et des procédures judiciaires aussi arides que le sera un jour Paris si rien n’est fait pour contrer les effets du changement climatique.

Paris déteste les tours. Paris maudit cette « verticalité » dans laquelle Vincent Callebaut voit pourtant le dernier espoir de salut des villes. La tour Montparnasse reste le bâtiment le plus mal aimé de Paris. Les gratte-ciel de Chinatown et les tours du front de Seine, dans le 15e arrondissement, resteront à jamais stigmatisés comme l’expression d’un « urbanisme imbécile » dont le critique André Fermigier écrivait en 1972 qu’il avait produit « le Paris stupide… On se frotte les yeux en regardant ce conglomérat prétentieux et presque burlesque de tours hideuses, véritables silos de main-d’oeuvre et entassements de clapiers vendus à des prix exorbitants à des malheureux abusés par une publicité dont chaque ligne est un morceau d’anthologie. Quelle société une telle architecture suppose-t-elle ? C’est vraiment n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment. »

Les Parisiens ne se sont jamais débarrassés du sentiment de s’être fait abuser par les promoteurs et les architectes, ces marchands de verticalité. Depuis presque vingt ans, la Mairie de Paris bataille en vain pour imposer la tour Triangle, 180 mètres de haut, à la Porte de Versailles. Les Parisiens multiplient les recours contre ce projet et ne désespèrent pas de triompher des promoteurs, à l’usure.

« Si nous acceptons de passer outre cette phobie de la grande hauteur, dans trente-cinq ans, les mots de déchets et de pollution ne voudront plus rien dire », promet Vincent Callebaut. « Il faut multiplier les bâtiments de 100 à 150 mètres de hauteur dans un Paris qui est en train de se muséifier et de se gentrifier. Il faut abandonner le modèle des années 1960 d’une ville monofonctionnelle. Il faut construire la ville jungle, la ville qui mélange tous les niveaux sociaux entre eux, qui mélange toutes les fonctions jusqu’à devenir un agglomérat de villages verticaux. »

Le projet de verticalisation de la rue de Rivoli existe déjà. L’objectif est de faire vivre les travailleurs là où ils gagnent leur vie. Ils habiteront dans des « montagnes bioclimatiques » ou des « arbres habités », de « véritables écosystèmes autonomes capables de produire leur propre énergie et qui recycleront leurs déchets en ressources naturelles illimitées ».

En 2050, Paris sera une ville fertile. Les ponts sur la Seine supporteront habitations et fermes verticales. Le courant de la rivière et le vent apporteront l’énergie nécessaire au confort des habitants et aux productions agricoles.
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© Agence Vincent Callebaut
En 2050, Paris sera une ville fertile. Les ponts sur la Seine supporteront habitations et fermes verticales. Le courant de la rivière et le vent apporteront l’énergie nécessaire au confort des habitants et aux productions agricoles.

Le no man’s land de la Porte d’Aubervilliers est reconquis par trois empilements gigantesques de galets de verre et d’acier qui servent de cocons high-tech à des champs, des cultures, des prairies. Des milliers de familles vivent dans cette campagne enclose. L’ensemble prend racine dans une forêt urbaine qui recouvre le périphérique. La tour Montparnasse n’est pas détruite, mais elle « est transformée en un véritable Central Park à la verticale où se côtoient les promeneurs, les commerçants et les employés de bureau au travail. Les ponts sur le périphérique portent des Tours-Ponts rassemblant des champs, des forêts, des logements, des bureaux, des ateliers. Le quartier de la Gare du Nord, aujourd’hui, si sale, dangereux, pollué sera transformé en « mangrove urbaine », cette « forêt de tours végétales autonettoyantes et dépolluantes ». Les pas des centaines de milliers de voyageurs qui passent sur les quais de la gare sont transformés par des dalles piézoélectriques en assez d’électricité qu’il en faut pour alimenter tous les immeubles du quartier. Partout des tours, de l’uniformité nulle part. Vincent Callebaut annonce que Paris sera un écosystème aussi varié, foisonnant que la « jungle amazonienne ». Comment vivra-t-on dans cette jungle verticale high-tech ? Voici la prédiction de son architecte : « On vivra au 20e étage, travaillera au 40e après avoir déposé son enfant à la crèche et salué son maraîcher au passage. La nécessité de se déplacer d’un lieu monofonctionnel (son habitat) à un autre lieu monofonctionnel (son travail) aura disparu. On ne polluera plus et on vivra mieux. »

L’Asie est pionnière en matière d’architecture fertile. Confrontés à des problèmes environnementaux dramatiques, les pays d’Asie espèrent échapper à la catastrophe en appliquant les principes d’une architecture non prédatrice. L’Agora Garden, de Vincent Callebaut, est la première réalisation d’architecture verte à Taïwan.
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© Agence Vincent Callebaut
L’Asie est pionnière en matière d’architecture fertile. Confrontés à des problèmes environnementaux dramatiques, les pays d’Asie espèrent échapper à la catastrophe en appliquant les principes d’une architecture non prédatrice. L’Agora Garden, de Vincent Callebaut, est la première réalisation d’architecture verte à Taïwan.

Les « termites bobos »

Faut-il se résoudre à accepter cette existence de « termites bobos » s’inquiètent ceux qui refusent de vivre, travailler, consommer, s’aérer dans un gratte-ciel dont ils n’auront plus aucune raison valable de sortir ?

Le Corbusier avait déjà annoncé ce futur de réclusion en définissant son « gratte-ciel cartésien » destiné à réaliser des « concentrations formidables », à raison de 3 000 à 4 000 individus à l’hectare. Ses habitants y trouvent tous les commerces et les services indispensables et n’ont plus besoin de s’éloigner de leurs « unités d’habitation ».

Guy Debord pensait que Le Corbusier était un architecte « juste un peu plus flic que les autres. » Thierry Pacquot, le philosophe de l’urbain, s’inquiète déjà du stress que générera une architecture, certes, brillante, géniale, mais qui assignera les citadins à résidence dans leurs appartements-jardins et leurs terrasses-potagers : « Le citadin est un terrien qui s’évertue en permanence à se placer entre ciel et terre, qui a besoin du vent et de la pluie, du soleil et du froid, des passants, des boutiques, de l’animation des rues ou de l’isolement qu’un parc ou une artère peu fréquentée permet, et qui ne peut se satisfaire d’une serre en hauteur. »

Vincent Callebaut contre-attaque : « Quelle est l’alternative aux villes fertiles, à cette architecture résiliente que je préconise ? Tout simplement la poursuite du cauchemar urbain. Faut-il attendre que l’air de Paris soit aussi toxique que celui de New Delhi pour commencer à imaginer qu’une forme de développement nous a conduits dans une impasse et qu’il faut imaginer des solutions inédites, radicales pour nous en sortir ? Pour pouvoir s’interroger sur le genre de vie que l’on veut avoir, il faut commencer par rester vivants. » Les gens qui se croient privés d’avenir ont souvent tendance à présenter un peu plus brutalement les problèmes à résoudre.

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