Le mudac, un musée pour tous. A Lausanne, cette institution est synonyme de passerelle entre la vielle ville et la ville moderne, entre l’art antique et l’art moderne.
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Le mudac, un musée pour tous. A Lausanne, cette institution est synonyme de passerelle entre la vielle ville et la ville moderne, entre l’art antique et l’art moderne. © Adrien Buchet
N° 120 - Été 2016

Mudac, un musée foisonnant dédié à l’art et au design

Dans un cadre médiéval qui a pour fleuron la cathédrale de Lausanne, le mudac – musée de design et d’arts appliqués contemporains – représente l’une des institutions phares de la cité vaudoise.

Freitag ad absurdum. Cette exposition, qui a vu le jour au mudac début 2016, est le résultat d’une association géniale et inventive entre les frères Freitag (en haut) et les artistes Frank & Patrik Riklin (en bas).
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© Friklin
Freitag ad absurdum. Cette exposition, qui a vu le jour au mudac début 2016, est le résultat d’une association géniale et inventive entre les frères Freitag (en haut) et les artistes Frank & Patrik Riklin (en bas).

L’institution, unique en Suisse romande, possède aujourd’hui une identité forte avec le design et les arts appliqués. Riche de collections variées autant qu’exceptionnelles, il ne cesse de renouveler ses fonds et acquiert régulièrement des œuvres contemporaines et anciennes. Au fait des dernières tendances, le musée se focalise surtout sur les trente voire quarante dernières années. Depuis son ouverture, cinq à huit expositions temporaires sont programmées annuellement et présentées à tous les étages de la Maison Gaudard. En outre, la magnifique collection d’objets de l’historien Jacques-Edouard Berger ainsi que l’art du verre bénéficient d’une place de choix et constituent de facto les deux expositions permanentes du musée. Avant la construction du Pôle muséal qui abritera le Musée cantonal des beaux-arts (mcb-a), le Musée de l’Elysée (Musée cantonal de la photographie) et le mudac, sa programmation ambitieuse et ses importantes collections le placent parmi les grands musées d’art et de design en Suisse.

Le mudac se présente comme « un lieu d’échange et de partage entre les différents domaines du design, des arts appli qués et de l’art contemporain. » Il privilégie une approche thématique qui suscite d’intéressantes collaborations avec des designers comme Otto Künzli, Adrien Rovero, Pierre Charpin ou encore les frères Freitag, etc. Ouverte à toutes formes d’expressions artistiques comme aux arts vivants, l’institution accueille également des danseurs, des musiciens ou des metteurs en scène, qui viennent y réaliser des performances.

Par ailleurs, la variété des thèmes exposés permet aux visiteurs, toutes tranches d’âge confondues, de se sensibiliser à des œuvres contemporaines et antiques. Faire dialoguer des bronzes chinois du XIe siècle avec des vitres de flipper représente un pari peu usuel mais séduisant, en regard d’autres institutions qui privilégient un courant précis.

Le futur Pôle muséal. Partie dédiée au mudac, musée d'art et design.
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© Projet Pôle muséal, Lausanne / Aires Mateus, Portugal
Le futur Pôle muséal. Partie dédiée au mudac, musée d'art et design.
Le futur Pôle muséal. Partie dédiée au mudac, musée d'art et design.
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© Projet Pôle muséal, Lausanne / Aires Mateus, Portugal

En ce qui concerne les animations, le mudac propose des visites commentées tant des expositions actuelles que permanentes. Les « Jeudis Design » offrent la possibilité au public de rencontrer des designers et d’assister à des débats qui les plongent quelques instants dans l’actualité du design. Des excursions sont également organisées, comme à l’automne 2015, où le mudac emmenait les plus curieux à Zurich dans l’univers des frères Freitag à l’occasion de leur « carte blanche » au musée. Enfin, en marge des expositions temporaires, des ateliers sont offerts aux enfants et aux familles. Aisément accessibles pour les personnes à mobilité réduite, les moindres recoins du musée peuvent être découverts grâce à des rampes et un ascenseur.

Maison Gaudard

Face au célèbre portail peint de la cathédrale, la Maison Gaudard ne passe pas inaperçue. Sa flèche imposante domine avec élégance la toiture tuilée d’une bâtisse que l’on aperçoit de loin. La maison aurait connu quelques remaniements avant de trouver sa forme définitive. En réalité, elle résulte de l’assemblage de plusieurs habitations du Moyen Age, dont un certain lieutenant Baillival Gaudard – alors sous-préfet – aurait projeté la réalisation au XVIIe siècle pour agrandir la demeure. Grâce à l’adjonction de la tour, coiffée d’une haute flèche, toute la partie nord de la maison est harmonieuse, donnant une belle impression d’unité. Au milieu du XIXe siècle, les Frères Moraves deviennent propriétaires des lieux. Montrant du doigt l’intolérance religieuse et préconisant l’importance de l’éducation, ils ouvriront, de 1837 à 1873, un pensionnat qui comptera jusqu’à 50 élèves. Peu avant la fin du siècle, la maison est rachetée par l’Etat de Vaud pour devenir le siège de plusieurs administrations. En 1995, la Ville de Lausanne et le Canton de Vaud passent un accord pour échanger le Musée Arlaud avec la Maison Gaudard. La Ville, en quête d’un espace d’exposition, entrevoit la possibilité d’y domicilier un nouveau musée. Après cinq ans de travaux de rénovation entrepris par le bureau d’architectes Monot + Monot, le musée change de nom et intègre la célèbre bâtisse en juin 2000. Le Musée de design et d’arts appliqués contemporains appelé mudac, succède alors au Musée des arts décoratifs.

L’Eloge de l’heure (2015). L’horloge murale « The Sasa Clock » de Thorunn Arnadottir, 2007.
L’Eloge de l’heure (2015). L’horloge murale « The Sasa Clock » de Thorunn Arnadottir, 2007. © Matthew Booth
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L’Eloge de l’heure (2015). La vidéo « Standard Time » de Marc Formanek, 2007.
L’Eloge de l’heure (2015). La vidéo « Standard Time » de Marc Formanek, 2007. © Bernd Schuller
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L’Eloge de l’heure (2015). « The Clock Clock », AP2, 2008-2009 de Humans since 1992.
L’Eloge de l’heure (2015). « The Clock Clock », AP2, 2008-2009 de Humans since 1992. © Mudac – Olga Cafiero
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L’Eloge de l’heure (2015). L’horloge murale « Lash Clock » de l’artiste Bina Baitel, 2014.
L’Eloge de l’heure (2015). L’horloge murale « Lash Clock » de l’artiste Bina Baitel, 2014. © Bina Baitel
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L’Eloge de l’heure (2015). « Swiss Koo » de Martino d’Esposito & Alexandre Gaillard, Poya, 2014.
L’Eloge de l’heure (2015). « Swiss Koo » de Martino d’Esposito & Alexandre Gaillard, Poya, 2014. © Swiss Koo
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Collections Berger. Les caves voûtées de la maison nous transportent dans des univers aussi riches que l’art égyptien ou l’art asiatique.
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© Adrien Buchet
Collections Berger. Les caves voûtées de la maison nous transportent dans des univers aussi riches que l’art égyptien ou l’art asiatique.
Collections Berger. Les caves voûtées de la maison nous transportent dans des univers aussi riches que l’art égyptien ou l’art asiatique.
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© Adrien Buchet

Collection Berger

L’occasion est offerte au visiteur de découvrir les lieux en déambulant librement à l’intérieur du bâtiment. Bien qu’il n’y ait pas à proprement parler de parcours, les salles du sous-sol présentent une introduction idéale pour le visiteur, qui s’élèvera ensuite jusqu’aux combles de la maison. Les caves sont consacrées aux collections égyptiennes et chinoises de Jacques-Edouard Berger. L’entrée en matière est ainsi rythmée par une approche chronologique qui peut, dans un premier temps, sensibiliser le visiteur à des œuvres archéologiques. Bas-reliefs, sarcophages égyptiens ou encore de superbes vases Song nous ramènent aux fondements de l’art. Chantal Prod’Hom, la directrice du musée, avoue qu’il peut paraître étrange de trouver une telle collection au mudac quand bien même, pour elle, le design est une forme d’expression générale : « Ce sont des objets assez humbles sans être d’importants chefs-d’œuvre. Il s’agit de la collection d’un amateur très éclairé qui a fait des choix d’objets très précis. Henri Stierlin, comparatiste et historien de l’art, explique que « Jacques-Edouard Berger avait un goût très sûr et que c’est grâce à son discernement qu’il a su enrichir sa collection. L’homme s’intéressait à la spiritualité de l’objet et cherchait des pièces uniques qui le séduisaient. »

L’art verrier sous les combles

De par leur transparence, c’est logiquement sous les combles de la maison que sont présentées les collections de verre contemporain. Ces dernières constituent une référence majeure au niveau international. Les œuvres dont elles sont issues forment en effet une palette exhaustive des différentes techniques de façonnage du verre : soufflage, moulage, coulage ou encore taille, polissage et gravure, etc. On doit en partie l’étude de cet art au maestro Egidio Costantini, souffleur de verre. Cet artisan italien était convaincu que le matériau possédait des propriétés techniques et expressives exceptionnelles. Au début des années 60, il réalisa un ensemble de 36 œuvres d’après des ébauches d’artistes aussi éminents que Picasso, Cocteau, Chagall ou encore Max Ernst. C’est ainsi qu’au cœur de son atelier de Murano naquit l’ensemble « La Fucina degli Angeli » (La Forge des Anges). Ce dernier contribuera largement à l’avènement d’une nouvelle discipline dans le domaine de l’art verrier. Par la suite, le couple de collectionneurs Peter et Traudl Engelhorn – dont la famille est mécène du musée – fit rapidement l’acquisition de l’ensemble. Constatant que le « Studio glass movement », aux Etats-Unis, travaillait simultanément sur le thème du verre, les deux collectionneurs s’unirent dans leur démarche et choisirent l’ancien Musée des arts décoratifs – devenu le mudac – pour exposer leur collection. Depuis quarante-cinq ans et l’acquisition de « La Fucina degli Angeli », la collection est désormais riche d’environ 540 objets.

Ainsi, du cristal au plomb, jusqu’au verre plat industriel, en passant par le verre massif, l’art du verre ne cesse de prendre du galon comme en témoignent les récentes acquisitions du musée. Les dernières pièces sont représentatives de l’évolution et du travail réalisé sur le verre contemporain. En 2015, l’exposition « Le Verre vivant II » présentait des œuvres acquises entre 2012 et 2014 dont « The Seed of Narcissus » de Tomas Libertiny ou encore « The Knot », signé Hassan Khan.

Collections d’art verrier. Le dernier étage du musée est consacré au verre. Une collection très variée et constamment enrichie avec l’acquisition de nouvelles pièces. En haut, « Tête en croix » de Stanislav Libensky et Jaroslava Brychtova.
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© Adrien Buchet
Collections d’art verrier. Le dernier étage du musée est consacré au verre. Une collection très variée et constamment enrichie avec l’acquisition de nouvelles pièces. En haut, « Tête en croix » de Stanislav Libensky et Jaroslava Brychtova.
Collections d’art verrier. Le dernier étage du musée est consacré au verre. Une collection très variée et constamment enrichie avec l’acquisition de nouvelles pièces. En haut, « Tête en croix » de Stanislav Libensky et Jaroslava Brychtova.
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Expositions

Au mudac, la programmation des expositions est séduisante. Trois axes différents caractérisent l’approche du musée : l’axe des thèmes, la série « carte blanche à un designer » et les expositions itinérantes, qui sont le produit de collaborations développées avec d’autres institutions. Peu exploités par ailleurs, les thèmes proposés offrent souvent un point de vue original, à l’instar du « Coup de sac ! » (2013), une exposition autour du sac en plastique, ou encore « Nirvana, les étranges formes du plaisir » (2015). Avec, « L’Eloge de l’heure » en 2015 le mudac précisa qu’il fut « le premier musée de design à s’intéresser à l’horlogerie de manière aussi transversale et globale ». Les diverses façons d’afficher l’heure et l’idée de réunir des produits d’une pure tradition horlogère avec des créations de designers actuels, constituèrent en effet l’une des belles réussites du musée. Remarquablement documentée, des œuvres ingénieuses, historiques (XVIe siècle), extravagantes et bluffantes rythmèrent cette exposition sur tintements de cloches, tic-tac infatigables et coucous inspirés.

Outre les domaines du verre et de l’antiquité, des collections de bijoux, d’objets issus du design, de céramiques, d’estampes ou encore de vitres de flipper des années 50 à 90 font la richesse du musée. La Maison Gaudard continue ainsi à réunir ces œuvres d’art qui méritent le détour. Gageons que le déménagement sur le site du Pôle muséal lausannois saura mieux valoriser ses futures expositions dans ce quartier déjà plein de promesses. Affaire à suivre.

Extra Ball. L’une des dernières acquisitions originales du musée, cette collection de 18 vitres de flippers est aussi colorée que décalée.
Extra Ball. L’une des dernières acquisitions originales du musée, cette collection de 18 vitres de flippers est aussi colorée que décalée. © Adrien Buchet
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Extra Ball. L’une des dernières acquisitions originales du musée, cette collection de 18 vitres de flippers est aussi colorée que décalée.
© Adrien Buchet
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Extra Ball. L’une des dernières acquisitions originales du musée, cette collection de 18 vitres de flippers est aussi colorée que décalée.
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