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N° 137 - Printemps 2022

Bleu de travail

À l’origine destinée aux travailleurs, la toile la plus célèbre de l’industrie textile est portée par toutes les couches de la population. Son bilan écologique catastrophique la pousse désormais à plus d’éthique.

HISTOIRE

Le 20 mai 1873, Jacob Davis, tailleur letton émigré à Reno, dans le Nevada où il possède une usine de filage, dépose le brevet du jeans avec rivets en cuivre. Le document est cosigné par Levi Strauss, grossiste en tissu né en Bavière et lui aussi émigré aux États-Unis, qui sera le premier investisseur de l’industrie du blue jean. La marque Levi Strauss & Co est créée dans la foulée. Le brevet assure à l’entreprise le monopole du jeans pendant vingt ans et de son modèle-phare le 501, appelé ainsi selon le numéro du lot de tissu dans lequel il fut taillé.

ÉTYMOLOGIE

À partir du Moyen Âge, l’Italie du Nord produit la futaine, un mélange de coton et de lin, ou de laine, utilisé dans la fabrication de voiles et d’uniformes pour les marins. Exportée depuis Gênes vers l’Angleterre, l’étoffe apparaît dans les registres portuaires de Londres sous l’intitulé « jean » ou « jeane », déformation du nom de son lieu d’expédition. Quant au denim, le mot serait la contraction de « de Nîmes », ville d’origine d’un autre tissu de couleur bleu-indigo, produit depuis le XVIIe siècle à base de laine et de soie en armure de serge. Réputé très résistant et adopté par les bergers et les paysans, il est exporté partout en Europe. Plus doux que la toile génoise, c’est à partir de lui que sont fabriqués les jeans actuels.

SUCCÈS

En ajoutant des rivets en cuivre au point d’usure du pantalon, Jacob Davis le rend beaucoup plus solide et lui assure son succès commercial. Vendu au prix de 1,25 dollar, il devient le vêtement des travailleurs, des mineurs, des chercheurs d’or et des cow-boys. Avant de se démocratiser dans toutes les couches de la population en devenant le symbole de l’esprit rebelle et de séduire jusqu’aux créateurs de mode.

POLÉMIQUE

Chaque année, il se vend 2,3 milliards de paires de jeans dans le monde. Sachant qu’une pièce nécessite entre 7000 et 11’000 litres d’eau, qu’elle fait au cours de sa fabrication une fois et demie le tour de la terre, et utilise des procédés chimiques hautement polluants et dangereux pour la santé des ouvriers qui les manipulent, le jeans est l’un des vêtements les plus nuisibles pour l’environnement.

ÉCOLOGIE

Le bilan écologique très négatif du jeans a vu l’émergence d’une nouvelle conscience chez certaines marques. Coton biologique, teinture à base de pigments naturels ou de mousse (ce qui réduit la consommation d’eau), délavage écoresponsable à l’ozone, faux denim en tissu recyclé, denim recyclable… le jeans fait son mea culpa éthique.

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