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Enzo Mari, génie d’un siècle

L’architecte et designer milanais s’est éteint en octobre 2020. L’une des grandes figures du design du XXe siècle militait pour les choses simples. Il était aussi un grand pédagogue pour qui la connaissance devait être accessible à tous. La Triennale de Milan prolonge l’exposition de son œuvre jusqu’à fin septembre.

Uno, la mela, due la pera… la série de posters dessinés pour l’éditeur Danese est d’autant plus unique qu’Enzo Mari, designer, architecte, illustrateur et génie d’un siècle, nous a quittés à l’âge vénérable de 88 ans, l’an dernier, le 19 octobre, entre une vague et l’autre de Covid. Comme on dit en italien : Una mela al giorno toglie il medico di torno. (Une pomme par jour plus de médecin alentour) Pour Enzo Mari, c’était l’art et la créativité qui rendaient le docteur superflu.

La table de "Proposta per un’autoprogettazione". Enzo Mari publiait en 1974 un petit livre pour fabriquer soi-même et facilement tous ses meubles. (Casati Gallery)

De la collaboration entre deux marques historiques du Made in Italy, Danese et Cartiere Pigna (leader de la papeterie en Italie), naissent les carnets de la série Nature. Les deux thèmes iconiques du designer, justement Uno, La mela et Due, La pera, représentent le pouvoir d’évocation dont l’Italien savait faire preuve. Une rétrospective à la Triennale de Milan, organisée par le Suisse Hans-Ulrich Obrist, rend d’ailleurs hommage (jusqu’à fin septembre) à celui qui a passé plus de cinquante ans de sa vie au service des autres.
Théoricien du design, artiste et bricoleur, il souhaitait que l’on protège ses réalisations, que l’on scelle ses archives encore pendant quarante ans après sa mort, afin que les gens soient enfin prêts à appréhender ses créations ainsi que sa conception du monde. Cet univers pour lequel il voulait de la liberté pour tous avec sa Proposta per un’autoprogettazione, un véritable manifeste anticonsumériste contenant des instructions précises pour que chacun puisse fabriquer ses meubles à la maison.

La forme est tout et le design est mort

Enzo Mari, designer

Les livres d’Enzo Mari et ses jeux pour enfants, imaginés avec sa première épouse, Iela Mari (décédée en 2014), naissent en 1970 dans l’idée de toujours démocratiser la connaissance. Comme il le disait : «Je souhaite créer des modèles pour une société renouvelée.» Ses sérigraphies consacrées à la nature en sont l’illustration. Tout comme son monde animal dans lequel les enfants se plongeaient en inventant des fables. En 1965, il crée Il gioco delle favole, pour l’éditeur Corraini. Il s’agit d’un jeu constitué de planches en carton qui, en s’imbriquant, composent une scène centrale et deux latérales. A chaque planche correspond une histoire, le récit variant de l’une à l’autre à l’infini tant les images, en répondant à la logique du conte, résonnent dans l’imaginaire enfantin. Le petit lecteur a ainsi la possibilité de comprendre et d’expérimenter de quelle façon se structure un récit.

Uno, la mela...
... Due, la pera. Deux posters de Enzo Mari édités par Danese en 1963. (Danese)

Pami ses créations les plus célèbre, on trouve le calendrier de table Timor (pour Danese), les vases Bambù en céramique et Paros en marbre, ces matériaux qui dictent la tendance depuis plusieurs années. Sans oublier le fameux 16 animali, toujours pour Danese. Dans la logique du père du fonctionnalisme Louis Sullivan – «la forme suit la fonction » – les 16 pièces découpées dans un seul bloc de bois de chêne composent un puzzle sculptural intemporel.

Le jeu 16 Animali créé en 1952 pour l'éditeur Danese. (Danese)

Enzo Mari et son penchant communiste, Enzo Mari et ses idées de génie récompensées par cinq Compassi d’Oro –  pour sa chaise Delfina (éditée par Rexite), sa table Legato (pour Driade), par exemple – ou encore pour sa recherche en matière de design. Diplômé en architecture de l’Accademia de Brera à Milan, Enzo Mari laisse une trace indélébile dans l’histoire des formes, mais l’immense designer était aussi un grand pédagogue. Professeur honoraire à l’École polytechnique de Milan, gratifié, en 2000, du titre de Honorary Royal Designer for Industry par la Royal Society of Arts de Londres, le créateur de la Sof Sof Chair (pour Driade encore) exposée au MoMa de New York, avait d’ailleurs sa petite idée au sujet de l’évolution de son métier. «La forme est tout et le design est mort », aimait-il à répéter. Grazie Maestro !

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