N° 148 - Automne 2025

Osamu Tezuka: l’enfant robot

Osamu Tezuka, médecin de formation et humaniste fervent, ne voit pas dans le robot une menace, mais une promesse, celle d’un monde où la compassion ne serait plus limitée par la nature biologique.

Une utopie que le Japonais incarne dans Astro Boy, petit robot aux allures d’enfant immédiatement reconnaissable à ses bottes rouges empruntées à Superman. Publiée entre 1958 et 1968, la série de manga régulièrement rééditée et déclinée en film et en dessins animés sera vendue par centaines de millions de volumes. Un succès populaire qui doit beaucoup au message que véhicule le personnage. Symbole d’innocence, mais aussi vecteur de critique so- ciale, Astro est capable d’empathie, tandis que l’homme se montre cruel, borné et aveugle. Le regard que les humains portent sur lui trahit leurs propres peurs, leur égoïsme, leur refus de l’altérité. Astro Boy n’est pas un automate sans âme, mais un être doté d’une sensibi- lité bouleversante, capable de pleurer, de douter et de rêver. Sa création est déjà l’histoire d’un drame : Astro est né pour remplacer Tobio, le fils du Docteur Tenma mort dans un accident de voiture.

Le père inconsolable rejette bientôt son invention incapable de combler le vide laissé par le deuil. Abandonné, le robot est finalement recueilli par un professeur qui en fera le super-héros super-équipé qui va combattre le crime et l’injustice. Pour dire aussi que la robotique, chez Tezuka, n’est pas seulement une affaire de câbles et de circuits : elle est une fable morale. Le robot y pose des questions simples et immenses : qu’est-ce qu’une vie digne ? Qu’est- ce qu’aimer ? Peut-on souffrir sans être vivant? Dans les gestes d’Astro, dans ses combats, ses hésitations, c’est toute l’aspiration humaine à la bonté, à la justice, qui se joue. En filigrane, Tezuka pose cette ques- tion : et si le robot était plus humain que l’homme, non parce qu’il ressent, mais parce qu’il choisit d’aimer mal- gré tout? L’auteur n’apporte pas de réponse définitive. Il laisse parler son héros qui nous murmure cette vérité fragile : ce n’est pas le cœur qui fait l’homme, mais la façon dont il s’en sert, même s’il est artificiel.

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