N° 141 - Été 2023

Du vent !

On l’agite pour faire de l’air lorsqu’il fait trop chaud. Mais l’éventail, objet d’art et d’artisanat, a aussi servi à faire passer des messages et à marquer le rang social de son propriétaire. Boudé au XXe siècle, le réchauffement climatique qui frappe le XXIe lui donne un nouveau souffle.

HISTOIRE

Les Grecs connaissaient l’éventail, mais le modèle rudimentaire, rigide. Ce sont les Chinois qui développèrent, à partir du IIIe siècle, une version pliable. Laquelle sera introduite en Europe au milieu du XVIe siècle par les commerçants portugais de retour du Japon. Très en vogue dans les cours de Catherine de Médicis et d’Élisabeth Ire, il devient l’accessoire des classes aristocratiques. Et un objet d’art avec ses montures d’ivoire, de nacre ou d’écailles de tortue et ses scènes peintes tirées de la mythologie ou de la Bible.

LANGAGE

Selon comment on le manipule, l’éventail est aussi porteur de messages. Tandis qu’en Asie on l’utilise pour transmettre des signaux de guerre, en Europe, c’est pour l’amour qu’il brasse de l’air. En 1791, Charles Francis Bodini publie Le Télégraphe de Cupidon dans lequel il établit un alphabet de l’éventail à l’usage des amants discrets. Porté dans la main droite face au visage il signifie : « Suivez-moi. » Virevoltant dans la main gauche il avertit : « Nous sommes surveillés. »

GRANDEUR ET DÉCADENCE

Tombé en désuétude avec la Révolution française, l’éventail renaît en 1827 lorsque Jean-Pierre Duvelleroy en relance l’usage. Sponsorisé par la duchesse de Berry, l’éventailliste (c’est ainsi qu’on nomme son fabricant) fournit la reine Victoria, l’impératrice de Russie ou encore l’Espagnole Eugénie de Montijo, 19e comtesse de Teba. Grâce à l’essor industriel, « le roi de l’éventail » va en démocratiser l’usage au milieu du XIXe siècle. Au cours du XXe siècle, son succès se fane et sa commercialisation décline. Même le créateur Karl Lagerfeld, qui ne sortait jamais sans lui, ne parviendra pas à freiner sa chute.

Un éventail.
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(DR)
Un éventail.

L’ESPAGNE

Boudé en Europe pendant le XXe siècle, c’est en Espagne que l’éventail cultive ses lettres de noblesse. Accessoire indispensable du flamenco, il va résister aux turbulences de la mode avec une production faite à la main, le plus souvent en bois exotique (bubinga, sipo) associé à de la soie, du coton ou de la dentelle fine pour créer des décors très ouvragés ou ajourés. La péninsule ibérique s’impose encore aujourd’hui comme le pôle de l’éventail de luxe.

RENAISSANCE

Le réchauffement climatique, allié à la conscience écologique, va remettre l’éventail dans le vent au tournant des années 2000. Moyen simple de chasser la touffeur, on lui redécouvre dans la foulée ses vertus esthétiques. En France, la maison historique Duvelleroy retrouve un nouveau souffle dès 2010 en s’inspirant des modèles de la Belle époque et du savoir-faire de la maison. Tandis que l’éventail espagnol reste le gage d’une qualité haut de gamme.

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