N° 139 - Automne

Le thermos et le mortier

En 1952, l’architecte Pol Abraham publie aux Éditions Dunod un texte dans lequel il aborde déjà la problématique thermique des bâtiments. Septante ans plus tard, son constat reste plus que jamais d’actualité.

« Quelques comparaisons à effet sont à la mode, notamment celle de la bouteille thermos et du mortier de pharmacien de nos pères. Versons un liquide chaud dans la première, dont les parois sont minces et légères ; le lendemain, il n’aura perdu que quelques degrés. Mettons le même liquide dans le mortier, auquel on voudra bien, nous l’espérons, accorder un bon couvercle bien hermétique : le liquide ne tardera pas à se refroidir, cédant sa chaleur aux parois de pierre du mortier, qui sont épaisses et lourdes. Vous voyez donc, nous dit-on, que, nos vieux murs, c’est l’antique mortier, et qu’ils ne servent qu’à dévorer inutilement la chaleur que vous produisez à grands frais. Je le veux bien admettre pour le moment, mais continuons l’expérience. Emplissons à nouveau bouteille et mortier d’une eau très chaude et, quelques heures après, vidons cette eau et remplaçons-la par de l’eau froide. L’eau froide mise dans la bouteille thermos ne s’échauffera pas d’un degré alors que celle du mortier deviendra tiède, empruntant aux parois épaisses la chaleur cédée par l’eau chaude.

Les murs de nos maisons ; ce sont les parois du mortier ; quand le poêle s’éteint, il y fait bon encore, car les murs restituent la chaleur qu’ils ont accumulée. Ces comparaisons valent ce qu’elles valent, et plutôt moins que plus. On ne les cite que pour montrer qu’elles peuvent conduire à prouver tout autre chose que ce pour quoi elles ont été faites.

En fait, il y a le wagon et la cave, dont les qualités thermiques sont, les unes et les autres, bien connues. La maison n’est ni une cave ni un wagon, et c’est précisément ce juste milieu qu’elle doit réaliser.

Le problème thermique a deux aspects contradictoires : l’économie et le confort. Il faut savoir dans quelles limites ils sont conciliables et, le cas échéant, choisir celui qui doit primer l’autre. En effet, le problème de l’économie peut être résolu par l’absurde en ne chauffant pas et il l’est en fait par les temps qui courent. C’est donc le degré minimum de confort raisonnablement exigible qui conditionne et limite le degré d’économie. Il y a, certes, le plus grand intérêt à déterminer le mode de construction qui, à confort égal et suffisant, conduira à la moindre dépense de calories. Mais il n’est pas humainement défendable de fixer a priori une dépense minima de combustible pour en déduire les conditions d’habitabilité. »

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