N° 142 - Automne 2023

Focus – Midjourney, l’artiste sans art

La photo du pape en doudoune ? C’est lui. Donald Trump malmené dans une manifestation ? Encore lui. Le président Macron ramassant des poubelles ? Toujours lui. Enfin, lui.

Disons que Midjourney, né en 2022 tout comme ChatGPT, réussit la prouesse de produire des images plus vraies que nature en transformant celles des autres, pompées sur internet. En janvier 2023, trois artistes ont ainsi intenté une action en justice contre l’éditeur du logiciel, qu’ils accusent de violer les droits de millions de photographes, peintres, graphistes et dessinateurs. Son créateur, le mathématicien américain David Holz, leur oppose une interprétation différente. Pour lui, Midjourney n’est pas un bête robot qui copie, mais un « véhicule pour l’imaginaire ». En clair, son algorithme créatif ne saurait être attaqué par des considérations bassement matérialistes.

Mais il n’y a pas que les droits d’auteur qui soulèvent des interrogations. De tous les programmes d’intelligence artificielle, ceux qui créent des images (Midjourney donc, mais aussi Stable Diffusion, DALL-E et Dream Up) sont les plus décriés. Leur impressionnant niveau de réalisme peut, en effet, nourrir les manipulateurs d’opinion et alimenter les sphères de la désinformation. Au-delà des droits d’auteur, ils rendent également nerveux les artistes qui craignent leur concurrence. Quand le Mauritshuis de La Haye remplaça sa Jeune fille à la perle de Vermeer – alors prêtée pour la grande rétrospective du peintre au Rijksmuseum d’Amsterdam – par sa version Midjourney (voir photo), beaucoup y ont vu une insulte adressée à la profession.

Jeune fille à la perle de Vermeer version Midjourney
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(DR)
Jeune fille à la perle de Vermeer version Midjourney

D’autant plus que les artistes artificiels commencent à remporter des premiers prix dans les concours de beaux-arts. En 2022, Jason M. Allen gagnait celui de la foire d’art du Colorado dans la catégorie image numérique. Il avait pourtant bien précisé que son Théâtre d’opéra spatial avait été généré par Midjourney, mais les membres du jury n’avaient encore jamais entendu parler du programme. L’auteur avait conclu l’énorme polémique qui s’était ensuivie sur Twitter par ces mots : « L’art est mort les gars, c’est terminé. L’IA a gagné. L’humanité a perdu. »

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