N° 142 - Automne 2023

Les arts artificiels

Certains la craignent, d’autres la plébiscitent. Parfois même les deux à la fois. Censée nous simplifier la vie, l’intelligence artificielle soulève surtout beaucoup de questions. Le monde de la culture s’y confronte. Et s’interroge au sujet de cette technologie qui, pour l’instant, s’inspire en copiant : Pourra-t-elle un jour faire preuve de création ?

Un dossier sur l’intelligence artificielle, vraiment ? On pourra nous objecter de sacrifier à un énième effet de mode qui disparaîtra aussi vite des radars que les NFT, ces jetons non fongibles censés bouleverser le monde de l’art, et les métavers dont plus personne n’entend parler. Mais peut-être pas. Car autant on pouvait s’interroger sur la réelle utilité des deux premiers, autant l’intelligence artificielle s’implante furtivement sans qu’on la voie, semant ses fruits dans tous les champs de la société. Notamment sur le plan de la création. Chanson, cinéma, série télé, théâtre, art contemporain, littérature… tous les domaines sont concernés. Faut-il pour autant s’en inquiéter ? À Hollywood, les scénaristes et les acteurs font grève pour protester contre l’usage de ChatGPT, capable de trousser des dizaines de projets de films à partir de mots-clés, en quelques secondes. Les photographes s’émeuvent de voir qu’une image créée de toutes pièces par une intelligence artificielle remporte le premier prix à un concours international. David Guetta commande à une machine de reproduire la voix d’Eminem pour l’un de ses titres. Une « expérience », selon le DJ qui a choisi de ne pas commercialiser le morceau « afin d’ouvrir la discussion pour une prise de conscience ».

Dans le style de Magritte par le logiciel Midjounrey.
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(DR)
Dans le style de Magritte par le logiciel Midjounrey.

Reste à savoir jusqu’à quand cette délicatesse tiendra, l’IA mettant le fantasme prométhéen à portée de main avec tous les retours sur investissement qui l’accompagnent. Paul McCartney, lui, n’a pas hésité à réveiller John Lennon pour lui faire terminer une chanson des Beatles datant de 1978. Tandis que le cinéma rêve de rallumer ses étoiles éteintes. Il sait déjà très bien le faire, par nécessité, lorsqu’une actrice décède en plein tournage, et que l’IA est le seul moyen de la remplacer. Mais il n’a pas encore franchi le pas qui verrait l’avatar d’une star disparue au sommet de l’affiche. La retenue est peut-être moins technique qu’éthique. Certes, le public a pris l’habitude de payer sa place pour voir des films où la plupart des acteurs sont des animations 3D, mais acceptera-t-il de pousser la nostalgie jusqu’à assister à un spectacle de morts-vivants ?

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