N° 143 - Printemps 2024

Des aiguilles dans le ciel

Construire toujours plus grand, plus haut. À l’heure de la chasse au carbone, on croyait le concept totalement dépassé, alors qu’il ne fait que progresser. À la fois pour répondre au besoin pressant de logement, mais aussi pour mettre sur le marché des objets de prestige.

Comment loger et faire travailler toujours plus de monde quand la place manque ? En prenant de la hauteur ! Une logique implacable concrétisée à la fin du XIXe siècle, lorsque les techniques de construction permirent de bâtir des immeubles de plus de 60  mètres. Inventé pour répondre à la densification de l’espace, le gratte-ciel devient alors le symbole de la puissance financière d’un pays. Surtout aux États-Unis, où ces aiguilles de verre et d’acier surplombent le monde.

Trop haut, trop polluant, trop arrogant, on croyait le principe définitivement emporté avec la chute des tours du World Trade Center. Reste la logique, qui veut que l’espace vertical est plus facile à conquérir que l’étalement horizontal. Au point que depuis les attentats du 11 septembre 2001, on n’a jamais autant érigé de bâtiments de grande taille. Chaque année, ou presque, des records de hauteur sont pulvérisés. Comme dans la boxe, il existe désormais une catégorie d’édifices de plus de 600 mètres. Le terme supertall qualifie ces gratte-ciel hors norme dont les ingénieurs prédisent qu’ils ne pourront pas dépasser 1 kilomètre. Objets de prestige, ces derniers hérissent les nouveaux territoires de la réussite économique que sont la Chine et le Moyen-Orient. Même en Suisse, pays qui s’est toujours méfié de l’architecture d’altitude, le gratte-ciel n’est plus un tabou. On le voit ainsi émerger à Genève, à Bâle et à Zurich.

The Spiral
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(BIG Architecture)
The Spiral, un nouveau building spectaculaire à Manhattan du bureau danois BIG.

On a aussi reproché à la tour de surtout servir celui qui la dessine. Ce fameux « geste d’architecte » qui met en avant la forme plutôt que la fonction. Peut-être, mais il s’en trouve également qui réhabilitent certains de ces monstres énergivores construits à une époque où le rejet de CO2 dans l’atmosphère ne préoccupait personne. Bâti en 1976 et rénové en 2013, The Quay Quarter Tower à Sydney à même été élu « plus beau gratte-ciel du monde 2023 ». À l’heure où la chasse au carbone canarde tous azimuts, voilà une démarche salutaire.

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