N° 146 - Printemps 2025

David Chipperfield, l’homme des musées

De Berlin à Zürich, où il a signé l'extension du Kunsthaus, David Chipperfield, prix Pritzker 2023, est l'un des grands maîtres internationaux de l'architecture des musées. Il est aujourd'hui en lice pour reconstruire une grande partie du British Museum à Londres.

Avec son attitude sereine et son style souvent classique, David Chipperfield est l’un des architectes les plus remarquables de sa génération. Selon la citation du jury qui lui décerna en 2023, le Prix Pritzker : « Les réponses prudentes, bien conçues, précises et calmes qu’il a apportées aux objectifs visés par ses bâtiments ne peuvent provenir que d’une connaissance profonde et soutenue de la discipline. Cependant, ces réponses ne sont jamais égocentriques et ne constituent en aucun cas de l’art pour l’art : au contraire, elles sont toujours restées axées sur l’objectif supérieur de l’entreprise et sur la poursuite du bien civique et public. »

L’esplanade de la Museumsinsel à Berlin.
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(Simon Menges)
L’esplanade de la Museumsinsel à Berlin.

PASSION COLONNE

Né en 1953 à Londres, Chipperfield a travaillé dans les bureaux de Norman Foster et de Richard Rogers avant de créer son propre cabinet en 1985. Depuis cette date, il a mis l’accent sur les bâtiments publics, et en particulier les musées, en commençant par le River and Rowing Museum (Henley-on-Thames, Angleterre, 1997). Le Musée de la littérature moderne (Marbach am Neckar, Allemagne, 2006) se présente comme une structure à colonnades qui, vue sous certains angles, pourrait rappeler une version moderne du temple classique.

La présence de colonnes dans son architecture et une certaine simplicité vitale ne le placent cependant pas parmi les nostalgiques des anciens ordres du classicisme, un message qui n’aurait peut-être pas été bien perçu en Allemagne. « Si vous essayez de revenir à la façon dont un bâtiment est construit et de donner de la noblesse à l’idée de support et de charpente, vous aboutissez à quelque chose de tout à fait classique, observe l’architecte. C’est ainsi que les choses se passent : les colonnes ont tendance à vouloir être espacées de manière assez égale, par exemple. On peut le dissimuler ou simplement dire que c’est ce que le bâtiment veut faire… Alors suivons-le. » Depuis 2006, David Chipperfield a réalisé des musées à Anchorage (2009), à Saint-Louis (2013) et à Mexico (Musée Jumex, 2013), ainsi qu’en Allemagne et dans d’autres pays. Ses origines anglaises ne l’ont pas empêché d’établir une base importante, avec une maison et un bureau, sur la Joachimstrasse à Berlin. D’origine allemande, son épouse Evelyn Stern a bien entendu contribué à sa présence dans ce pays.

Avec ses travaux sur le Neues Museum, la James-Simon-Galerie et, plus récemment, la Neue Nationalgalerie, Chipperfield semble presque plus chez lui dans la capitale allemande qu’à Londres. Près de l’île des musées (Museumsinsel), il a également achevé le bâtiment de la galerie Am Kupfergraben en 2007. Ces dernières années, il s’est concentré sur l’organisation qu’il a fondée en Galice en 2017, la Fundación RIA, qui soutient ce qu’il appelle, la « planification territoriale », notamment sur des questions auxquelles les architectes ne s’intéressent généralement pas, telles que les schémas de circulation, l’emploi, l’écologie et les raisons pour lesquelles les jeunes quittent la région. Chipperfield y voit une sorte de retour aux sources de l’architecture.

Le hall d’entrée du Neues Museum.
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(Joerg von Bruchhausen)
Le hall d’entrée du Neues Museum.

NEUES MUSEUM, BERLIN, 2009

En 1997, David Chipperfield remportait le concours international pour la reconstruction du Neues Museum sur l’île des musées de Berlin avec l’architecte Julian Harrap. La structure originelle de 22’500 mètres carrés avait été conçue par Friedrich August Stüler et construite entre 1843 et 1859. Après une longue fermeture en raison de la Seconde Guerre mondiale, la Museumsinsel expose depuis 2009 les collections du Musée égyptien et du Musée de la préhistoire et de l’histoire ancienne. « L’objectif du projet était de recompléter le volume d’origine et comprenait la réparation et la restauration des parties restées en place après les destructions de la guerre, explique l’architecte. La séquence originale des pièces a été restaurée avec de nouvelles sections de bâtiments qui créent une continuité avec la structure existante. »

En 1999, un plan directeur pour la rénovation de la Museumsinsel était adopté, et la zone de 8,6 hectares de l’île, comprenant cinq musées, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour le Neues Museum, Chipperfield a consciencieusement comblé les lacunes laissées par les dommages des combats, tout en suivant les lignes directrices de la Charte de Venise, à savoir « respecter la structure historique dans ses différents états de conservation ». Des éléments préfabriqués en béton ont été utilisés pour créer de nouvelles salles d’exposition, tandis qu’un escalier, en béton lui aussi, remplaçait l’original. Des briques recyclées et fabriquées à la main entraient dans la construction d’autres nouveaux volumes, notamment l’aile nord-ouest et le dôme sud.

L’architecte affirmant que l’utilisation de matériaux tels que le béton incarnait sa détermination à faire en sorte que « le nouveau reflète ce qui a été perdu sans l’imiter ».
Parce qu’il rendait permanentes certaines cicatrices de la guerre, le projet a suscité la controverse, mais la conception du musée, réalisée avec la collaboration de l’architecte et designer italien Michele de Lucchi, s’est avérée fructueuse. Le Neues Museum a été lauréat du Prix du patrimoine culturel de l’Union européenne en 2010. À cette occasion, David Chipperfield déclarait : « En fin de compte, un bâtiment devrait avoir une dynamique continue, une relation interne avec lui-même, et je pense que c’est pourquoi le Neues Museum est probablement la représentation la plus extrême de cela… Mon ambition est de parvenir à la cohérence. Il s’agit d’une singularité. Dans le cas du Neues Museum, essayer d’obtenir cette cohérence à partir d’une ruine composée d’un million de fragments était probablement l’idée la plus complexe. »

Neues Museum.
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(Simon Menges)
La colonnade qui relie la James-Simon-Galerie au Neues Museum à Berlin.

JAMES-SIMON-GALERIE, BERLIN, 2017

Après le Neues Museum, Chippperfield a conçu un bâtiment entièrement nouveau, la James-Simon-Galerie (2007-17), situé entre le Neues Museum et le canal Kupfergraben, « en écho à la situation urbaine du site avant 1938 ». La nouvelle structure prolonge et amplifie l’idée de la colonnade conçue par Stüler qui existait sur la Museumsinsel, tout en permettant la création d’installations modernes pour les visiteurs. Le bâtiment porte le nom d’Henri James Simon (1851-1932), qui a fait don de plus de 10’000 objets aux musées d’État de Berlin, dont le buste de Néfertiti, pièce maîtresse du Neues Museum restauré. La James-Simon-Galerie abrite une billetterie, une boutique de souvenirs, un café, un restaurant et un centre d’information. Elle est conçue comme l’entrée principale des cinq autres institutions de l’île. « La matérialité du bâtiment en pierre reconstituée s’intègre dans la riche palette de matériaux de la Museumsinsel avec ses façades en calcaire, en grès et enduites, tandis que le béton lisse coulé sur place domine les espaces intérieurs ».

Neue Nationalgalerie.
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(Simon Menges / Simon Menges / Ludwig Mies van der Rohe / VG Bild-Kunst, Bonn 2021)
La restauration en 2021 de la Neue Nationalgalerie, construite à Berlin en 1968 par Mies van der Rohe.

NEUE NATIONALGALERIE, BERLIN, 2021

Un autre musée très visible du projet de David Chipperfield à Berlin est la Neue Nationalgalerie, conçue entre 1963 et 1968. Il s’agit du seul ouvrage de Ludwig Mies van der Rohe construit en Europe après son départ d’Allemagne pour les États-Unis en 1937. La structure en acier et en verre de l’édifice est immédiatement identifiable comme un exemple significatif du modernisme minimal de Mies. Afin de rendre la structure conforme aux normes modernes sans dénaturer sa conception originale, pas moins de 35’000 pièces du bâtiment ont dû être démontées, restaurées et parfois modifiées avant d’être replacées à leur emplacement d’origine. Précisant qu’il n’avait pas l’intention de transformer substantiellement la conception originale, David Chipperfield a fait en sorte que les parties ajoutées soient « discrètement lisibles en tant qu’éléments contemporains ». La Neue Nationalgalerie ne portait manifestement aucune des cicatrices de la guerre visibles sur la Museumsinsel. Au contraire, elle représentait le point culminant de la créativité allemande de l’après-guerre, dans un style qui a influencé une grande partie de l’architecture mondiale pendant des dizaines d’années. En acceptant cette commande, l’architecte anglais démontrait son respect pour le passé moderniste, ainsi que sa capacité technique à adapter un musée des années 60 aux normes contemporaines.

KUNSTHAUS ZÜRICH, ZURICH, 2021
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(David Chipperfield Architects)
KUNSTHAUS ZÜRICH, ZURICH, 2021

KUNSTHAUS ZÜRICH, ZURICH, 2021

Le Kunsthaus, situé sur la Heimplatz à Zurich, est à présent le plus grand musée de Suisse. Le bâtiment d’origine a été conçu par Karl Moser (1910) et agrandi en 1925, 1958 et 1976. David Chipperfield a été chargé de créer un nouveau bâtiment d’une surface brute de 23’000 mètres carrés, augmentant ainsi la taille du Kunsthaus de plus de 80%. Le volume peut être décrit comme puissant, mais dans le style de l’architecte. Il est marqué par un design minimal revêtu de pierres inspirées de celles utilisées pour de nombreux édifices publics de la ville. « Le nouveau bâtiment allie tradition et innovation grâce à de minces ailettes verticales fabriquées à partir de calcaire jurassique local avec des surfaces sciées et placées à intervalles réguliers sur la façade, intégrant le bâtiment dans son contexte urbain et culturel de manière contemporaine. » Les vastes galeries d’exposition bénéficient d’autant de lumière naturelle que nécessaire, sous la forme d’un éclairage latéral au premier étage et de puits de lumière au niveau supérieur.

Kunsthaus de Zurich.
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(David Chipperfield Architects)
L’extension du Kunsthaus de Zurich et son escalier principal.

Je vous ai rencontré à Berlin il y a quelque temps et je me suis rendu compte que vous passiez beaucoup de temps dans cette ville, chez vous et dans votre bureau. Vous vous êtes engagé dans un certain nombre de projets importants en Allemagne qui ont trait aux musées. Avez-vous, à un moment donné, décidé consciemment que les musées étaient une typologie sur laquelle vous vous concentriez ? Ou s’agit-il d’une question de circonstances, de concours, et de tout ce qui vous a amené à obtenir les commandes ?

Si vous êtes amené à faire des musées, vous vous retrouvez avec des demandes répétées pour en construire d’autres. Et c’est difficile de résister, car ce sont de très belles commandes pour un certain nombre de raisons. Je dirais tout d’abord qu’avec ce type de projet vous bénéficiez d’une certaine assurance avec le client. Dans les projets plus commerciaux, les questions classiques de temps, d’argent et de qualité sont légèrement orientées vers les deux premiers. La qualité est une chose sur laquelle l’architecte doit insister. L’aspect qualitatif avec les clients des musées est plus facile à aborder. Vous parlez à un groupe de personnes qui sont plus tolérantes à l’égard d’ambitions qui ne sont pas quantifiables en termes conventionnels. Ces clients qui s’investissent dans l’art peuvent donc comprendre des discussions qui, dans d’autres situations, pourraient susciter de l’impatience.

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(Bruno Cordioli)

Outre les clients, quels sont les autres avantages que vous voyez dans les projets de musées ?

En ce qui concerne le principe de base, vous parlez de choses très élémentaires, d’espace, de séquence, de lumière, de matérialité. Les musées sont en quelque sorte des architectures dépouillées des exigences programmatiques qui pourraient dominer d’autres bâtiments comme une gare, un hôpital, un immeuble de bureaux ou une école. La description est en cela assez abstraite : une série de pièces dans lesquelles il est agréable de se promener… À part une église, c’est ce qui se rapproche le plus d’une question purement architecturale. Ce qui est à la fois bon et mauvais, car, dans un sens, on peut abuser de cette liberté ou de ce manque de fonctionnalité, car comment décrire la fonctionnalité d’un musée ? Alors que c’est cette dernière qui peut justifier de donner une forme à d’autres types de bâtiments.

Bien que vous entreteniez des liens avec l’Allemagne, vous êtes un Anglais travaillant dans un pays où certains types d’architecture rencontrent des échos historiques qui ne sont pas toujours positifs. Comment avez-vous géré cette situation, en commençant peut-être par le Musée de la littérature moderne de Marbach ?

Nous avons évolué vers ce que j’appellerai une culture de la discussion pour résoudre des questions apparemment difficiles. Cela a commencé par le Musée de la littérature moderne de Marbach, parce qu’il y avait une grande inquiétude à l’idée que nous construisions des colonnes. À un moment donné, j’ai dit : « Parce que vous pensez que cela a l’air fasciste ? » et on m’a répondu : « Oui, exactement ». C’était la première fois dans le sud de l’Allemagne, après la guerre, qu’une sorte de langage semi-classique était de nouveau utilisé. Probablement parce que j’étais anglais, j’avais en quelque sorte nettoyé cette image. Je pense donc que le fait d’être respectueux, mais aussi de « faire partie » et de ne « pas faire partie », m’a donné une position spéciale en Allemagne. C’est une question de confiance. Si vous pouvez démontrer que votre position en est digne, alors vous obtenez un grand pouvoir. Il y a eu beaucoup de confusion au début du Neues Museum parce que je me suis rendu compte que, n’étant pas allemand, je dépendais des autres pour trouver des solutions, au lieu de les apporter moi-même. Au début, les Allemands étaient très méfiants à l’égard de cette attitude. Ils disaient : « Il est évident qu’il sait ce qu’il veut faire, alors pourquoi ne nous le dit-il pas ? » Et je continuais à leur répondre que non, je ne savais pas. À la fin, je pense que le processus a été accepté comme étant très inhabituel, mais convaincant.

Vous avez remporté le concours pour le Neues Museum en 1997, et le bâtiment a été inauguré en 2009. Votre approche du projet a-t-elle changé au cours de cette période ?

Les décisions que nous avons prises en 1997 sont-elles devenues obsolètes ? En fait, nous n’en avons pris aucune lors du concours. Sauf celle de dire que l’approche de la reconstruction de cette ruine devait être fondée sur l’idée que tout ce qui avait survécu devait être protégé et intégré dans la solution d’achèvement. Nous devions adopter une approche qui était tout à fait familière dans la restauration d’objets archéologiques ou même de peintures, mais qui n’était pas nécessairement bien adoptée dans le cas de l’architecture. Nous n’avions absolument aucune idée de la manière de le faire, de ce que cela signifierait ou de l’endroit où cela nous mènerait sur le plan formel. Nous n’avons donc pas gagné avec un design, mais avec une attitude et une sorte d’approche philosophique. Et cela a incroyablement bien survécu parce que je pense que le principe était juste. C’était très facile à défendre intellectuellement, mais pas nécessairement émotionnellement parce que les Allemands, les Berlinois en particulier, considéraient l’idée de protéger ces vestiges non seulement comme une approche archéologique positive, mais aussi comme quelque chose de négatif dans la mesure où il s’agissait des témoins d’une période terrible.

Vous gardiez les souvenirs de l’horreur qu’ils auraient préféré oublier…

Au moins, nous avons pu rendre à ce bâtiment son aspect d’origine. J’ai donc dû faire la part des choses entre ce qui était intellectuellement juste et ce qui était émotionnellement compréhensible. Il n’y a qu’en Allemagne que vous pouvez avoir ce genre de conversation à un niveau élevé. Ce que je n’ai pas considéré comme un problème. En fait, j’y voyais l’énergie fondamentale du projet que j’appréciais comme un combat d’idées légitimes. Ce musée est le résultat d’un processus dynamique entre nous, la communauté et l’administration qui a duré douze ans.

AU MUSÉE DE LA LITTÉRATURE MODERNE DE MARBACH EN ALLEMAGNE, LES GENS ÉTAIENT TRÈS INQUIETS QUE NOUS CONSTRUISIONS DES COLONNES. ‹ PARCE QUE VOUS PENSEZ QUE CELA A L’AIR FACISTE ? ›, AI-JE DEMANDÉ. ON M’A RÉPONDU : ‹ OUI, EXACTEMENT. ›

Pour la James-Simon-Galerie sur la Museumsinsel, vous avez de nouveau utilisé de grandes colonnes.

Le programme de James Simon était très ambigu. Ce n’est pas un musée, c’est une « boîte » pleine d’exigences et de services que la Museumsinsel n’offrait pas dans ses bâtiments du XIXe siècle. Il fallait un auditorium vu que l’île n’en avait aucun de très bon. Même chose pour la librairie, pour l’espace d’exposition temporaire et le restaurant. C’était plus un inventaire des lacunes d’infrastructures qu’un projet de construction au sens conventionnel du terme.

La colonnade est un dispositif par lequel des objets solitaires sont reliés, comme celle qui réunit l’Alte Nationalgalerie avec le Neues Museum et la James-Simon-Galerie. En ce qui concerne le langage architectural, nous avons pris la colonnade classique et l’avons transformée en une version dépouillée, mais sans la faire disparaître. Au point qu’elle a plus de présence que nous ne l’aurions voulu.

Par rapport à une construction classique, est-ce plus compliqué d’accorder tout le monde dans un projet de musée, vu le nombre important des parties en présence (conservateurs, techniciens, historiens) ?

Dans un tel projet, ce n’est pas l’architecte qui tape du poing sur la table en disant : « Je veux que ce soit comme ça. » C’est l’architecte qui s’assoit autour d’une table avec cinq groupes de personnes qui ont tous des préoccupations différentes quant à l’emplacement du monte-charge, par exemple. Les conservateurs le veulent là, les historiens le veulent plutôt ici, les techniciens encore ailleurs. Pour trouver une solution, il faut que tout le monde comprenne la position de chacun, afin d’éviter d’avoir quatre personnes furieuses parce que le monte-charge ne se trouve pas au bon endroit. Avant la James-Simon-Galerie, j’ai pu utiliser mon expérience du Neues Museum où j’avais rencontré beaucoup de gens en colère la première année. Nous avions alors mené le débat afin de trouver des solutions. Finalement, tout le monde s’est accordé et ce fut merveilleux.

Pour la Neue Nationalgalerie, les problèmes architecturaux étaient peut-être différents. Pour autant, avez-vous utilisé une approche similaire ?

Oui, nous avons repris la même technique. Nous avons dû réunir des ingénieurs, les historiens et des représentants du ministère des Finances, qui payait l’ensemble, dans une même pièce afin de pouvoir discuter du projet de manière approfondie. Ce qui pouvait apparaître comme une bonne solution technique, par exemple, ne l’était plus sur le plan historique. Alors, comment faire pour ne pas rester bloqué ? En réfléchissant à l’envers et en traitant ce bâtiment des années 60 comme s’il s’agissait d’un temple grec. Ainsi, nous sommes restés extrêmement proches de l’idée originale de Mies van der Rohe, au point de conserver tous les éléments de l’édifice originel.

L’extension que vous avez réalisée récemment pour le Kunsthaus de Zurich est connue sous le nom de Chipperfield Bau. Laquelle est en fait plus grande que le musée lui-même.

Le concours demandait une extension d’une certaine ampleur. Alors oui bien sûr, il y a une sorte d’étrangeté lorsque l’extension est aussi grande que l’objet qu’elle prolonge. Du point de vue de la collection et de l’institution, la direction du Kunsthaus voulait un certain type d’espaces d’exposition et un certain nombre d’installations de services que le musée original n’offrait pas. Nous nous sommes donc retrouvés à construire un bâtiment à grande échelle en face de l’édifice de Karl Moser en instaurant un dialogue avec lui. L’extension est ainsi à la fois un musée autonome, mais aussi une structure qui fait partie intégrante d’un ensemble.

En entrant par la Heimplatz, les visiteurs sont confrontés à un escalier plutôt imposant. Cela a-t-il un rapport avec la fonction du bâtiment, qui est de préparer les visiteurs à l’idée qu’ils vont voir des chefs-d’œuvre ?

Les musées de cette échelle ont un problème d’orientation, car il y a beaucoup de salles à visiter. On peut dès lors le concevoir soit comme un plan libre qui, ensuite, se subdivise, soit comme une série d’espaces bien reliés entre eux. Dès l’origine, le Kunsthaus a été conçu comme un ensemble de salles situées dans des bâtiments différents. Le problème des musées en général, c’est que le visiteur aime parfois s’y perdre un peu en regardant les œuvres. Il ne vient pas pour observer l’architecture, mais pour y contempler de l’art. Tout en voulant savoir, malgré tout, où il va et où il se trouve. En ce sens, le hall central de l’extension remplit deux fonctions. D’une part, il relie le bâtiment à la ville, créant un espace public auquel on peut accéder depuis la place au sud ou le jardin au nord. D’autre part, une fois que vous êtes dans le bâtiment, l’entrée est un point sur lequel vous revenez toujours, vous orientant d’une manière qui vous permet de comprendre les dimensions du musée.

Le Musée de la littérature moderne de Marbach.
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(Ute Zscharn for David Chipperfield Architects)
Le Musée de la littérature moderne de Marbach avec ses fameuses colonnes.

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