N° 141 - Été 2023

Une histoire d’eau

Elle symbolise la vie, inspire les artistes et hydrate toutes les religions. Alertée par sa raréfaction et sa capacité à servir les guerres, l’humanité prend aujourd’hui conscience que l’eau n’est pas un bien tout à fait comme les autres.

« Une goutte d’eau puissante suffit pour créer un monde et pour dissoudre la nuit. Pour rêver la puissance, il n’est besoin que d’une goutte imaginée en profondeur. L’eau ainsi dynamisée est un germe ; elle donne à la vie un essor inépuisable. » En 1942, Gaston Bachelard publiait L’eau et les rêves, une méditation littéraire et psychologique à l’écoute de l’élément liquide. Le philosophe y racontait son rapport à ce milieu hydrique qui nous constitue, à la fois doux et hostile, et vers lequel, tous, nous retournons instinctivement, parfois accompagnés d’élans oniriques.

L’eau qui donne la vie et inspire les artistes, mais l’eau qui abîme aussi. De toutes les catastrophes, celles qu’elle provoque sont les plus meurtrières. Et le changement climatique tend à multiplier ces calamités. Inondations, tsunamis, pluies diluviennes : l’eau s’infiltre par tout et, lorsqu’elle se retire, montre la preuve de sa puissance par la désolation qu’elle sème derrière elle. Nous forçant, de fait, à repenser notre cohabitation avec la nature quand on annonce bientôt que cer taines côtes et cer tains archipels seront submergés. Dans une guerre, le feu détruit, certes, mais on parle de biens matériels, et malheureusement aussi de vies humaines, que l’on pourra remplacer. Priver une population d’eau, en revanche, c’est attaquer son intégrité existentielle avec la certitude, à terme, de la condamner à l’exil.

L’eau est ainsi devenue une arme très efficace. Sa nécessité vitale en a fait également un enjeu économique. Nous vivons l’époque où son abondance nous a fait oublier sa préciosité. Mal préparés face à la pénurie, nous nous inquiétons lorsqu’elle vient à manquer. Il faut dire que les sécheresses commencent désormais en hiver et que les étés caniculaires désertifient les terres de régions autrefois fertiles. Y aura-t-il, demain, de l’eau pour tout le monde ? La question se pose, mais la réponse est entre nos mains. « À l’échelle cosmique, l’eau liquide est plus rare que l’or. Pour la vie, elle est infiniment plus précieuse », écrit l’astrophysicien Hubert Reeves. Pour s’en convaincre, il suffit de lever la tête et d’observer la Lune.

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(Wesley Tingey)

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